dimanche 12 mai 2013

Haïti : sortir de l’impasse

Laurent Lamothe comme Premier ministre et Michel Martelly en tant que président d'Haïti Sont l'expression de la déconfiture, du pourrissement de la société haïtienne. Ce n'est pas un hasard qu'on a le GRAHAN (Groupe de Réflexion et d'Action pour une Haïti Nouvelle). D'ailleurs, pour la réflexion c'est nulle : la réflexion sans la pensée vu la complexité de la problématique haïtienne - d'ailleurs, tout problème doit être dialectiquement posé- amènerait inexorablement à un problème de méthode; pour l'action, les démarches de cet organisme amèneraient inéluctablement à l'impasse; Pour une Haïti nouvelle n'est pas nécessairement une nouvelle Haïti. Si le pays devient une bordel, ce sera une Haïti nouvelle; en revanche, une nouvelle Haïti, ce sera un pays où on aura rompu les liens d’inéquité, d'exclusion de la majorité de nos compatriotes. Un problème mal posé devient une impasse.

Comme d'habitude, l'obligation de prendre le temps, en collégialité, pour comprendre la problématique haïtienne et pour ficeler des solutions viables n'est pas une habitude haïtienne. Parce que l'intellectuel haïtienne pense qu'il a la science infuse, donc tout travail méticuleux, de planifier les différentes aspects d'une stratégie, lui parait une perte de temps. J'ai trop souvent été témoin dans les organismes haïtiens la légèreté dans la méthode de travail, que je peux affirmer que les propositions du GRAHAN pour la conférence du 1er au 3 mai 2013 n'ont été accouchées sur papier que par une seule personne, sinon les autres n'ont été que des caisses de résonance, en d'autre terme des zombis. Il est inconcevable qu'une telle légèreté dans la poursuite de résultats irréalistes soit aussi évidente si la problématique ait été bien pensée par une équipe multidisciplinaire et professionnelle. Aussi, avoir un diplôme dans un domaine ne fait pas automatique de nous un spécialiste si nos préoccupations quotidiennes sont ailleurs. Aussi, devant un problème complexe, cela prend plusieurs spécialités pour arriver à une vue globale du problématique. Le dilettantisme de l’intellectuel dans le traitement des problèmes haïtiens m’a été longtemps sauté aux yeux.

Personne ne peut être contre la vertu. Que le GRAHAN veule bien contribuer à l’essor de la patrie commune, il n’y a aucun problème.Au contraire. Mais que la contribution soit de piètre qualité, cela ne peut que révolter tout citoyen sensé. Cet organisme, né à la suite du 12 janvier 2010, du séisme, porte en lui les germes de la division avec son approche hautaine. La vulgarisation de ses activités est nulle à Montréal et dans la diaspora en généra, et même en Haïti. Là encore, on pourrait même comprendre ce choix, si leur approche était digne de leur prétention. Dans un article publié dans Le Nouvelliste du 25 avril 2013, au point IV des résultats attendus, l’organisme vise la «mise en place d’un Groupe d’experts en vue d’élaborer,en partenariat avec les dirigeants, un Plan national de développement pour les 25 prochaines années»0. D’ailleurs, un plan a été déjà élaboré autour de Marc Bazin et d’autres experts Haïtiens, dont Leslie Péan1. C’est ce plan que le président Dominicain, Leonel Fernandez, à la suite de la demande de Préval, lui avait fait part à la suite du séisme2. J’aimerais donc bien savoir si les gens de ce groupe sont des enfants de chœur? De quel rapport de force s’investissent ces gens pour imposer aux dirigeants leur diktat? C’est à ne rien comprendre de la politique, et la politique haïtienne en particulier, pour arriver à de telle assertion. J’en doute. Si tout cela était facile, la proposition de Turnep d’une conférence nationale prônée depuis deux décennies auraient été depuis belle lurette chose du passé. Mesdames et Messieurs, les GRAHANIENS et GRAHNIENNES, la politique est un rapport de force! Que pesez-vous sur l’échiquier national à tous les points de vue?

Pour corroborer mes appréhensions initiales, dans un article encore dans Le Nouvelliste, Richard Mathelier déplore que le «Problème d’organisation ou mise à nu d’un manque de savoir-faire ou d’habiletés relationnelles que nous avons ou savons pourtant respecter ailleurs grâce entre autres aux règles et normes prévalant pour l’organisation de tels événements notamment dans les universités étrangères. Mais, nous les foulons aux pied dans le cadre de manifestations de ce genre –combien utile pour l’avancement de la réflexion et l’action en Haïti –organisées dans notre pays.3» Si le GRAHAN n’est pas même de gérer le temps imparti aux intervenants, comment pourrait-il gérer concrétiser ses actions? La préparation de ce colloque a été galvaudée par un souci d’être uniquement sous les feux de la rampe. Et pourtant, dans quelques semaines auparavant, l’Université Quisquéya avait pris une initiative, beaucoup plus modeste, dans la perspective de développer le sens de l’entreprenariat, et aussi bien que le Groupe Croissance dirigée par Kesner Pharel. Ne serait-il pas plus efficace que tous ces intervenants se regroupent autour d’un plateforme et fassent quelque chose d’unitaire? Mais la structure économique de ce pays nous ramène vite à la réalité. Dans un pays où tout est financé par l’étranger, les ONG en particulier, on peut croire que chacun de ces organismes ait branché quelque part. En conséquence, chacun tire les ficelles pour son clan.

Rappelons-nous qu'après le 12 janvier 2010, plusieurs étudiants ont eu des bourses d'études de perfectionnement dans des domaines scientifiques. Avons-nous les moyens de les intégrer dans des structures où ils pourront mettre à contribution leurs connaissances? La réponse est catégoriquement négative. Alors, on ne produit des cerveaux que pour l'Occident. Comme pour les voies de pénétration (routes, aéroports, etc.), la formation de cerveaux doit être en relation avec le développement économique. On ne forme pas les gens comme on produit des patates. Le développement économique va de pair avec la capacité d'absorption des ressources humaines. C'en est une loi économique. Quand il y a excès de l'offre par rapport à la demande, dans un marché mondialisé, le surplus prend le large. Le recteur de l’université Henri Christophe, le professeur Jean-Marie Théodat, dans une émission avec Michel Soukar sur Signal FM, donnait un choix judicieux de programmes universitaires en fonction des besoins de la région et du pays. En particulier, ce qui me retenaient l’attention, c’étaient les programmes courts pour former des ressources humaines dans un court laps de temps pour répondre à certains besoins pressants.

Et pourtant, il y a moyen d'utiliser ces ressources à bon escient si la réflexion dépassait les émotions. Par exemple, suivant le professeur Evans Emmanuelle de l'université Quisqueya, dans une entrevue à Michel Soukar, au lendemain du séisme, à l'émission Contact de Signal FM, Haïti possède un avantage comparatif dans la caraïbe dans le domaine du traitement de l'eau. Là seulement, il y a moyen de produire de la richesse et permettre de retenir nos scientifiques. Les retombées directes et indirectes sont énormes. et les effets multiplicateurs sont impensables. C'en est un exemple concret et réalisable dont je voulais attirer votre attention. La pensée doit être dialectique dans le sens qu'elle articule de nouvelles donnes cohérentes, donc un bond quantitatif et qualitatif (toutes choses étant égales par ailleurs). Cet exemple en est une goutte d’eau dans un océan de possibilités pour démarrer l’économie nationale. Qu’en est-il de la formation de travailleurs dans le domaine de la construction quand on sait que plusieurs taches moyennement techniques sont exécutés par des manœuvres Dominicains. Et pourtant, plusieurs projets de construction à venir feront nécessairement appel à ce type de compétence. Ne serait-il pas temps que l’on cesse de faire les choses en amateurs!?

Bref, revenons à nos deux dirigeants. Ces messieurs, après toutes analyses, seraient très efficaces s'ils étaient à leur place. Par exemple, je leur verrais mieux comme tenanciers de bordels ou chefs de gangs de rue. A chacun son métier suivant son profil. En revanche, sans les dédouaner, des gens qui s’affublent du titre d’experts sont incapables de penser un développement national intégré ou endogène, alors que peuvent de mieux les citoyens d’aucune expertise! Malheureusement, la masse critique de gens qui peuvent penser le développement, en tenant compte des contraintes du milieu, est très faible. L’impasse haïtienne est donc totale. Face à la particularité de la problématique haïtienne, seuls des esprits libérés du prison dogmatique du système éducatif haïtien peuvent réaliser cette sortie du bourbier méthodologique et de l’approche irrationnelle qu’on a trop longtemps privilégiés.

http://haiti-tribune.blogspot.com/2012/08/haiti-le-paradoxe-entre-la-volonte-et.html#.UabKjJyoEh0 

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