samedi 29 juin 2013

L’indépendance haïtienne est un leurre!

Sincèrement avec mes compatriotes je perds le Nord(lol). Disons qu'ils sont insaisissables. Comment identifier un objet qui n'existe que dans l'imaginaire? Une hallucination, n'est-ce pas un mirage? Voilà. Nous avions bien fait 1804, mais avions-nous compris les circonstances et les aléas, pris comme un tout dans leurs rapports dialectiques, donc le résultat est nécessairement le produit, souhaité ou pas, des circonstances? La société dominguoise était divisée entre Maitres, Libres et Esclaves. Deux catégorie de libres : anciens et nouveaux. Deux catégories d'esclaves: créoles et bossales. Les premiers esclaves domestiques et/ou ateliers; les seconds esclaves des champs. Toute cette catégorisation sociale est traversée par une certaine catégorisation épidermique, sauf au sommet où les Maitres étaient majoritairement des blancs. Mais aussi dans cette catégorie, ils y avaient aussi un minimum d'affranchis.
Autre point important à noter : plus de la moitié des esclaves était née à l'extérieur de la colonie, donc des Africains, donc des bossales. Avec l'expédition de Leclerc en 1802, tous les chefs créoles (Dessalines, Christophe, etc.) se sont rallié Leclerc, donc la France. Il va sans dire que tous les créoles ont été cooptés par Leclerc. Les seuls combattants qui n'ont jamais baissé bas les armes, ce sont les cultivateurs, donc les bossales. Quand, comment et pourquoi les créoles ont-ils décidé de reprendre les armes contre les Français? N'oubliez pas que ces nègres créoles avaient pour mission, au nom de la France de combattre, ces cultivateurs, donc ces bossales-là!

Une raison qui explique ce volte-face des créoles, c'est le bruit de l'élimination des chefs rebelles de la Guadeloupe. Point. Lè bab Kanmarad ou pran dife mete pa w alatranp. Les préjugés des blancs avaient dégouliné du sommet à la base, les bossales étaient les têtes de turc. Le blanc est la référence et tous ceux qui, par nuance épidermique proche de ce dernier, suivaient la marche de repère sociale, et même biologique - dans la perception on s'entend. Après l'indépendance, la reproduction du schéma économique, social, psychique continuait de plus bel. On peut jeter les Français par-dessus bord mais on ne saurait jeter avec eux notre mental qu'ils ont façonné des années durant. Pour paraphraser une expression courante : on ne peux pas jeter le bébé avec l’eau du bain.

L'apartheid a existé en Haïti bien avant l'Afrique du Sud. La différence entre les deux c'est qu'en Haïti c'est de la même ethnie. Les anciens et nouveaux libres, peu importe la nuance épidermique, ont hérité la position des maitres. En conséquence, ce qui s'est passé et se passe encore aujourd'hui, c'est le maintien par ses héritiers, créoles noirs ou mulâtres, des bossales dans la misère la plus abjecte des misères parce que ceux-là, des mercenaires, n'ont aucune affinité avec ces gens-là! L'esclavage n'a jamais été abandonné dans le cas des bossales. En ce sens, l'indépendance d'Haïti est une leurre!

De deux choses l’une : ou Haïti disparaisse, comme le pressentait Gérard Pierre-Charles dans son livre Radiographie d’une dictature – il parlait surtout de fidéicommis, ou bien elle vit en faisant place à tous ces enfants dans le respect et la dignité. Il nous faut une république de citoyens pas de Zombis! Une infime minorité confisque plus de deux tiers des richesses du pays; une grande majorité vit dans la misère la plus abjecte, et ces messieurs, prétendument élites, osent se faire passer pour des gens respectables. Haro sur la respectabilité de ces gens-là! C’est dans l’adversité qu’on reconnait la valeur des gens pas dans des rhétoriques creuses. D’ailleurs, D’Hannibal Price à Cary Hector, en passant par Louis Joseph Janvier, tous ces messieurs ont été toujours de grands guerriers de la plume : De la réhabilitation de la race noire, la République d’Haïti et ses visiteurs, la fable de l’expert «yankee» barbotant dans la crasse haïtienne. Ce sont là l’artillerie lourde de nos super intellos! Diable! L’organisation, la modernisation du pays suffirait. Mais non, les débats idéologiques ne disent jamais leur nom : ces bossales, qu’ils crèvent  dans leur crasse!

Il ne faut surtout pas s’y méprendre dans l’analyse des groupes sociaux, même si en Haïti leur homogénéité est plus compacte, sur des éléments progressistes parmi cette racaille. On peut retrouver des gens dans cette nébuleuse qui veulent le changement mais qui n’ont ni le poids du nombre ni la qualité du nombre, donc l’absence d’une masse critique, pour influer le changement. N’oubliez pas la nouveauté en générale fait peur à l’être humain. Quand on s’appelle Haïtien, ça fait encore plus peur. Non parce qu’il y a un problème congénital ou tare haïtienne mais simplement parce que le dogmatisme du système éducatif renforce plus des tabous que l’esprit critique chez l’Haïtien. Quand on a appris seulement à mémoriser, et bien souvent sans comprendre, les rapports entre les choses nous échappent. Quand on prie, on se ne demande pas si Dieu existe, c’est une vérité a priorité pour le croyant. Il est de même avec les produits de notre système d’éducation que nous sommes : on ne met pas en doute les croyances au risque de se faire excommunier par les chantres de l’intellectualité haïtienne, et par la société dans son ensemble. Tu es donc proscrit car tu as osé touché aux sacrés!

Heureusement qu’on ne sort pas un pays avec des idées toutes faites sinon nous ne méritions plus d’être de l’humanité créatrice. Nous serions peut-être des dieux. Peut-être. Mais les dieux ne font que des miracles que notre hallucination commande. Comme disait Marx : «Il n'y a pas de route royale pour la science, et ceux-là seulement ont chance d'arriver à ses sommets lumineux qui ne craignent pas de se fatiguer à gravir ses sentiers escarpés.» Malheureusement les méthodes de la plupart de nos intellos me font rire à tue-tête ces temps-ci, en particulier le GRAHN (Groupe de Réflexion et d’Action pour une Haïti Nouvelle). J’ai déjà indiqué dans un autre billet les problèmes de méthodes de ces gens. Juste comme rappel : il confond l’essentiel et le détail. En d’autres de mots, ce qui sont les maux de cet organisme, la priorité et l’important. S’attaque-t-on à l’effet ou la cause? Par l’absurde, commence-t-on une maison de l’étage supérieur à la fondation ou le contraire?

Pour conclure, l’attitude de ces élites se compare bien au comportement de la classe moyenne et du lumpen prolétariat : Dans les deux cas, il leur manque de conviction. Ils se prostituent à la moindre occasion; ils font du tapage rhétorique. Dans la pratique, ils sont réactionnaires. Ils sont prêts à vendre leur âme au diable. La seule différence entre les deux : la première compte en milliers de dollars, le second compte en milliers de sous.

Ernst Jean Poitevien

Gérard Barthélémy, Le rôle des Bossales dans l'émergence d'une culture de marronnage en Haïti, Revue  Persée, no. 148, vol. 37, 1997 http://www.persee.fr
Gil Martinez, De l’ambigüité du nationalisme bourgeois en Haïti, Revue Nouvelle Optique, no. 9, Janvier-Mars 1973
Carolyn E. Fick, The making of Haiti : The Saint Domingue Revolution from Below, The University of Tennessee Press, 1990
Gérard Barthélémy, L’univers social haïtien : le pays en dehors(compte-rendu), Revue Persée, no. 131, vol. 33, 1992 http://www.persee.fr
https://www.youtube.com/watch?v=mUQwopijBLk 

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