lundi 6 février 2012

Jean-Claude Duvalier, Retour du dictateur

Il y a vingt-six ans, l'un des régimes les sanguinaires de la planète a pris fin par la conjugaison de forces interne et externe. Le soulèvement populaire, suite à la mort de trois jeunes élèves aux Gonaïves le 30 novembre 1985 va faire boule de neige et créer un mouvement de révolte générale contre la dictature. L'intervention des États-Unis et de la France ont donné le dernier coup de grâce au régime duvaliériste (père et fils). La transition est assurée par un Conseil national de Gouvernement (CNG) composé de six membres, dont quatre sont des militaires et de deux civils et dirigé par un militaire au nom de Henri Namphy. Maître Gérard Gourge, le seul personnage crédible de ce conseil démissionne quelque temps après.

 La chute de Jean-Claude Duvalier suscitait dans les communautés haïtiennes vivant à l'extérieur du pays beaucoup d'espoir. Le retour au pays natal était sur les lèvres de nombreux Haïtiens. Cependant, l'espoir s'est vite tourné en cauchemar avec les exactions répétées de ce CNG. Le coup de force contre les élections du 29 novembre 1987 était la preuve de l'obscurantisme de ce conseil de gouvernement. Aussi, le comportement de «bamboche démocratique» augurait mal une transition vers une stabilité durable. Tout un chacun s'inventait leader et lançait des manifestations à tort et à travers. Désordre dans les rangs de l'opposition, désordre dans les rangs du CNG : les coups d'état se suivent et se répètent ( Namphy contre Manigat, Avril contre Namphy, etc.). Coup d'état aussi dans le camp de l'opposition. Evans Paul et d'autres ne se sont-ils pas passés outre du congrès du FNCD (Front national de Concertation démocratique) qui avait fait le choix de Victor Benoît comme son candidat pour le remplacer par Jean-Bertrand Aristide.

Durant les vingt-six dernières années, le pays a reculé à tous les niveaux. Imaginez seulement qu'à l'époque des Duvalier, Haiti présentait un tableau sombre et, après ces derniers, la dégringolade s'amplifiait. Le résultat ne pouvait pas être plus catastrophique. Le séisme du 12 janvier 2010 est venu compliqué les choses dans un pays où le chacun pour soi est la règle. Pensez en terme macroéconomique est une lointaine perception ou réalité : il manque d'intellectuels organiques dans le sens de Gramsci. Il manque tout simplement de penseurs qui constitueraient une masse critique. On trouve ça et là d'échantillons de penseurs noyés dans la masse de médiocrité.

La fin de la dictature le 7 février 1986 avait été qualifié injustement comme la deuxième indépendance. L'émotion prenait le pas sur la logique; l'analyse était faussée à la base : Quelle indépendance quand le départ de Jean-Claude Duvalier était dicté par L'Oncle Sam? Le fait que les forces internes ne pouvaient arriver à bout de ce régime seul était le signe de la faiblesse de nos structures sociale, économique, politique, et même culturelle. Il faut revisiter l'histoire de notre pays pour ne plus être le dindon de la farce : les paroles de Tiresias Simon Sam à sa chute et de Paul Eugène Magloire sont à méditer sérieusement. Dans les deux cas, ils prévoyaient une longue période d'instabilité. Elles ne sont que lapidairement exprimées la faiblesse structurelle de la société haïtienne. Le faible niveau d'éducation, le niveau déplorable de l'économie, l'absence de hauts lieux du savoir donne le flanc à des incultes de se tailler une place au soleil et s'affuble du titre d'intellectuels. Le campus universitaire du Nord offert par la République dominicaine est une preuve évidente que les intellectuels ne constituent pas une masse critique dans ce pays, comme d'ailleurs les élites politiques ou sociales.

Cessons de nous enorgueillir de faux semblants et regardons notre misère générale pour pouvoir avancer. Nous avons quand même fait 1804. Ce n'est pas peu de chose. Il faut avoir le courage de se regarder dans sa laideur pour pouvoir s'embellir. Tant qu'on jouera à l'autruche, on ne finira pas de s'enfoncer dans nos bêtises et dans notre descente aux enfers. J'aime bien cette formule lapidaire et salutaire que j'ai inventé pour traduire le mal de ce pays : un si grand pays pour de si petits hommes. Nous ne sommes pas à la hauteur de cet héritage grandiose qu'est 1804. 

 http://haiti-tribune.blogspot.com/2012/01/les-racines-profondes-de-la-crise.html

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