samedi 4 avril 2015

La Chine a proposé la création d’une banque. Le Déclin de Bretton Woods

Par Chems Eddine Chitour Mondialisation.ca, 02 avril 2015
«L’Angleterre n’a pas d’amis ou d’ennemis, elle n’a que des intérêts permanents.»

 Winston Churchill
«L’Angleterre n’a pas d’amis ou d’ennemis, elle n’a que des intérêts permanents.» Winston Churchill Une information passée inaperçue. La Chine a proposé la création d’une Banque (l’AIIB), l’Asian Infrastructure Investment Bank, Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (BAII) dotée d’un capital initial de 100 milliards de dollars, elle a pour objectif celui de répondre aux besoins croissants d’infrastructures (transports, barrages, ports, etc) de la région asiatique. Créée en 2014 sur l’initiative de la Chine, elle est destinée à financer les projets d’infrastructures dans la région Asie-Pacifique. La Russie participera à la fondation de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (AIIB), a annoncé samedi 29 mars à Bo’ao, en Chine, le premier vice-Premier ministre russe Igor Chouvalov. L’AIIB sera dotée d’un capital de 100 milliards de dollars Elle vient surtout concurrencer la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement (BAD), deux organisations contrôlées par les Occidentaux, qui en détiennent les principales parts de vote et les postes clés. Traditionnellement, la Banque mondiale est dirigée par un Américain, le FMI par un Européen, la BAD par un Japonais. Les conséquences d’un système financier en bout de course On est en droit de s’interroger sur le pourquoi de cette initiative mal vue, on le comprend, par les Etats-Unis. Pour rappel, les accords de Bretton Woods sont des accords économiques ayant dessiné les grandes lignes du système financier international en 1944. Ils furent signés le 22 juillet 1944 à Bretton Woods. Le système monétaire mondial est organisé autour du dollar américain, mais avec un rattachement nominal à l’or. Les Etats-Unis étant les seuls habilités à faire marcher la planche à billets…Et il y a bien longtemps que la quantité d’or n’a plus d’équivalent avec la masse de dollar papier. On sait que tous les pays du monde détiennent des réserves de changes majoritairement libellées en dollars. Une «ruine de l’Amérique, et du dollar, signifierait une ruine du monde. Le système bancaire en bref Pour avoir une idée du fonctionnement du système actuel qui génère une financiarisation lisons cette contribution qui en explique le mécanisme et ses perversions: «Le système bancaire actuel fonctionne selon un principe très simple. Celui qui veut emprunter de l’argent promet au banquier qu’il remboursera et sur cette promesse le banquier lui crée un avoir. Sur cela l’emprunteur doit des intérêts. La Banque centrale européenne (BCE) oblige les banques d’avoir 2 centimes en réserve pour chaque euro qu’elles doivent à leurs clients. Nos avoirs bancaires sont maintenant couverts pour quelques pourcentages d’argent réel, le reste de l’argent n’existe pas. Nous n’avons donc pas d’argent à la banque, mais un avoir de la banque, une promesse du banquier, qu’il nous donnera du vrai argent en échange si nous lui demandons. Les banques empruntent le vrai argent de la BCE. C’est l’argent dans notre porte-monnaie. Le vrai argent est également utilisé sous forme électronique dans les paiements entre banques. Dans le trafic de paiements interbancaires quotidien, les banques annulent les montants qu’elles se doivent mutuellement et le soir elles ne se paient que les différences. Ainsi, avec un tout petit peu d’argent les banques, entre elles, peuvent payer des millions.» (1) «Dans l’argent” en circulation, les prêts s’entassent toujours plus… Les intérêts pour les épargnants sont payés par les emprunteurs. Ces intérêts aussi portent des intérêts. A 3% d’intérêts l’épargne double en 24 ans, à 4% en 18 ans. Donc les riches deviennent de plus en plus rapidement plus riches. Aujourd’hui 10% des Européens les plus riches détiennent 90% des richesses. La masse de pseudo-argent ne cesse de croître. Aux alentours de 1970 elle avait atteint le stade où les avoirs dépassent le Produit intérieur brut. Cela menait au développement d’un secteur financier, où l’on gagne l’argent avec l’argent, c’est-à-dire avec des intérêts et en soufflant des bulles à la Bourse. (…) Les banquiers ont réussi à convaincre les gouvernements, que ce serait mieux s’ils n’empruntaient plus à leur banque centrale (ce qui dans la pratique revenait à emprunter sans intérêts) et, à la place, d’emprunter à des banques commerciales, donc à intérêts». (1) «Dans tous les pays qui l’ont accepté la dette publique croissait exponentiellement. (…) Les gouvernements devaient réduire leurs dépenses pour faire face à la charge croissante des intérêts. Mais contre l’effet de la croissance exponentielle des intérêts on ne pourra pas gagner avec des réductions de dépenses. Les gouvernements devaient vendre des services publics pour rembourser les dettes..(…) Les pays faibles se retrouvent endettés, sans possibilité de s’en sortir. Les banques profitent de ces montagnes de dettes croissantes et font porter les risques par les payeurs d’impôts.(1) Quelle serait la solution?: «La solution de tous ces problèmes est aussi simple que sa cause. Nous devons ériger une banque à nous tous, une banque d’Etat, qui a le droit exclusif de créer de l’argent. Il faut interdire les prêts d’argent inexistant. Une banque d’Etat n’a pas besoin de capital, ni de bénéfices. Aussi, les intérêts peuvent rester très bas ou être compensés fiscalement. (…) Le gouvernement ne sera plus dépendant des banques.» (1) Il est tragique de voir comment des pays sont ruinés, qu’ils laminent les dépenses sociales au profit des remboursements d’intérêts et ceci ad viternam puisque le principal est encore hors de portée du remboursement Par contre, et sans faire dans un prosélytisme déplacé le mécanisme de la finance islamique, l’usure (intérêt n’existe pas) et les risques son partagés entre l’emprunteur et sa banque. La naissance d’une banque en dehors de l’hégémonie américaine Les Chinois sont devenus les plus grands créanciers de la Terre: une réserve de plus de 3000 milliards de dollars en devises. Elle achète des obligations d’État mais aussi des entreprises privées, des hôtels, des cliniques, des monuments historiques, des tableaux, des châteaux, des infrastructures (aéroports, ports) etc. La Chine représente maintenant 15% de l’économie mondiale et a conquis la deuxième place devant le Japon. La Chine a annoncé, être désormais la première puissance commerciale mondiale. La Chine n’a jamais vraiment considéré l’UE comme un partenaire politique de premier plan. Et malgré sa rivalité avec les Etats-Unis, elle estime que Washington est le seul véritable interlocuteur sur la scène internationale. Pour rappel, les pays du Brics dont fait partie la Chine forment un bloc important à l’échelle mondiale. Leur poids démographique atteint 3 milliards de personnes, soit 42% de la population mondiale et leur PIB représentait en 2010, quelque 14.000 milliards d’USD, ou 18,5% du PIB mondial. Leur réserve de devises est estimée à 5000 milliards d’USD, dont 3200 milliards pour la seule Chine. La Chine a décidé de sortir en douceur, de l’orbite du dollar et du système de Bretton Woods, On sait que les Etats-Unis s’opposent, en vain, à la nouvelle puissance montante du monde, la Chine. Par les investissements qu’elle opère dans le monde, la Chine devient presque un pays prédateur, à l’affût des bonnes affaires dans le monde. Et surtout avec sa politique «gagnant-gagnant» et grâce à sa main-d’oeuvre très peu coûteuse. Elle opère dans tous les continents y compris en Europe et aux États-Unis. Deuxième puissance du monde depuis 2010, détentrice de plus de 4000 milliards de réserves de change, la Chine, qui a commencé à internationaliser sa monnaie, le yuan, sait que «le temps travaille pour elle». Et les États-Unis en sont conscients. Partant d’une «vérité» que le dollar américain ne peut rester indéfiniment la monnaie-centre du monde, la Chine vise à surpasser l’Amérique et devenir la première puissance économique, financière et monétaire du monde. Le 17 mars, à Pékin. Martin Schulz Le président du Parlement européen a qualifié de «bonne chose» les adhésions européennes à la banque d’infrastructure asiatique. A ce jour, une trentaine de pays figurent dans cette liste, parmi lesquels l’Inde, Singapour, l’Indonésie et l’Arabie saoudite. Lorsqu’il a été lancé par la Chine en octobre 2013, le projet de Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures avait fait des vagues dans le monde des organisations multilatérales. Il était difficile de ne pas voir dans ce projet «anti-Bretton Woods» la volonté du président XI Jinping d’affirmer et de voir reconnue la puissance chinoise dans le monde des institutions multilatérales, aujourd’hui encore largement dominé par les Américains et les Européens.(2) Alors que le délai pour souscrire s’achève mardi 31 mars 2015 au soir, l’Égypte a annoncé, la veille, lundi 30 mars 2015, sa décision de rejoindre la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (BAII – AIIB). Elle en deviendra officiellement le 14 avril 2015 un membre fondateur. La Turquie a posé sa candidature vendredi 27 mars 2015. La BAII devrait commencer ses activités fin 2015. Les Etats-Unis jettent l’éponge. Ils vont coopérer avec la BAII Le lundi 31 mars, la date butoir pour le dépôt des candidatures pour devenir membre fondateur de la BAII, le secrétaire américain au Trésor, Jacob Lew, a déclaré que son pays prévoyait de coopérer avec la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (BAII). Cette annonce s’est faite après un entretien d’une heure que M.Lew a eu avec le Premier ministre chinois Li Keqiang ce lundi à Beijing, selon le vice-ministre chinois des Finances Zhu Guangyao. M.Zhu a confirmé, à l’Agence de presse Xinhua que le secrétaire américain au Trésor souhaitait la bienvenue à la Chine pour jouer un plus grand rôle dans les affaires économiques internationales. C’est une passation de pouvoir, pour ne pas dire une capitulation. Après avoir vu ses alliés les plus solides partir, l’un après l’autre, rejoindre le projet chinois, les Etats-Unis ont fini par faire un constat amer; ils ont été tout simplement ignorés et traités comme quantité négligeable dans cette affaire. Avec ou sans eux la BAII se fera et le monde entier, hormis le fidèle Japon et quelques petits satellites, sera là pour y participer. Que faire d’autre maintenant sinon tenter de jouer avec les instruments qui sont encore en sa possession, le FMI et la Banque mondiale, avec lesquels la BAII aura à coopérer d’une manière ou d’une autre? (3) Le Japon, justement, s’interroge sur sa participation à la BAII. L’administration Obama a été prise de court par le ralliement de plusieurs poids lourds européens (Royaume-Uni, France, Allemagne…) à cette banque qui compte déjà une trentaine d’Etats membres, comme l’Australie ou la Corée du Sud et l’Egypte. D’ailleurs, Séoul prendrait 4 à 5% de la Banque asiatique d’investissement. La France, l’Allemagne et l’Italie ont décidé, après le Royaume-Uni, de rejoindre la nouvelle Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures. Cette décision des trois capitales européennes, est à l’évidence un revers diplomatique pour les Etats-Unis. Constatant leur isolement, les Etats-Unis ont commencé à infléchir leur position en ouvrant la porte à une coopération avec la banque chinoise. (4) Mon Dieu protégez moi de mes amis, mes ennemis ; je m’en charge ! Cette citation attribuée à Talleyrand illustre d’une façon parfaite, la perfidie des vassaux visà vis de l’empire. «Il fallait bien que ça explose un jour lit-on sur le journal Le Monde, mais la déflagration est partie de là où on ne l’attendait pas. La rivalité entre les Etats-Unis et la Chine pour la domination économique du globe a fait, le 12 mars, un détour surprenant par la Grande-Bretagne qui, bravant la fatwa de Washington, a annoncé son intention de rejoindre la nouvelle banque régionale de développement chinoise AIIB comme membre fondateur. Epidermique et un peu ridicule, la réaction des Etats-Unis ne s’est pas fait attendre. Un responsable américain, s’abritant derrière l’anonymat, a accusé Londres d’être «dans des arrangements constants avec Pékin», (…). Une fois que les Britanniques, censés entretenir une relation privilégiée avec les Etats-Unis, avaient ouvert la brèche en rejoignant l’AIIB, trois autres pays européens s’y sont engouffrés.» (5) On est toujours par définition écrit Philippe Bernard, trahi par ses alliés, mais le coup a néanmoins été rude pour Washington. Jeudi 12 mars, le chancelier de l’Echiquier, George Osborne, a créé la surprise en annonçant la décision de faire du Royaume-Uni un membre fondateur de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (BAII) que la Chine a lancée en octobre 2014. Rejoindre la BAII représente «une chance sans équivalent pour le Royaume-Uni et l’Asie d’investir et de dégager ensemble de la croissance», s’est félicité M.Osborne. (6) Après Londres, ce sont donc Paris, Berlin et Rome qui ont décidé de rejoindre le 17 mars la Banque asiatique lancée par la Chine, en octobre 2014. Paris, Berlin et Rome soulignent qu’elle aura «vocation à travailler en partenariat avec les banques multilatérales d’investissement et de développement existantes». Les relations de l’Algérie avec la Chine: du commerce mais pas de transfert de savoir La Chine est le premier fournisseur de l’Algérie en tout. La liste est longue, tant la Chine produit tout et l’Algérie, en revanche, importe presque tout. Sur le volet économique, 8 milliards de dollars en 2012. 20% de nos importations en 2014. «Au lieu de donner un poisson à quelqu’un apprend lui à pêcher» Mao Tsé Toung. Fort de cette citation, l’Algérie a tout à apprendre de la Chine. Pékin veut consolider sa place en Algérie. Mais il n’y a pas transfert de technologie. Il est curieux que l’Algérie n’ait pas demandé à adhérer à cette banque comme membre fondatrice à l’instar de l’Arabie saoudite, l’Egypte et du Qatar. Nous avons bien aidé le FMI à «fonds perdus». Ne peut-on pas contribuer à 2% du capital de cette banque (100 milliards de dollars). Il n’est peut être pas trop tard si on fait vite et si on ouvre véritablement le dossier d’une vraie coopération sud-Sud; qui tourne le dos au tout commerce. Professeur Chems Eddine Chitour Ecole Polytechnique enp-edu.dz 1 .http://reseauinternational.net/le-systeme-bancaire-en-bref/ 15 mai 2013 2. http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/03/18/les-chinois-rallient-les-europeens-a-leur-banque_4595899_ 3234.html#Vq7mh5XYZd8UIAfk.99 3. http://reseauinternational.net/les-etats-unis-jettent-leponge-ils-vont-cooperer-avec-la-baii/ 4. http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/03/31/le-japon-s-interroge-sur-sa-participation-a-la-banque-asiatique-d investissement_4606153_3234.html#l2kul4MWdQ0B pey0.99 5. http://www.lemonde.fr/idees/article/ 2015/03/21/embuscade-sur-la-route-de-la-soie_4598508_3232.html#mK2lDWD5cdYuSc66.99 6. http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/03/14/la-banque-asiatique-divise-washington-et-londres_4593630_3234. html#hTgroIh2kMLkOmeq.99 Article de référence : http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_ chitour/213623-le-declin-de-bretton-woods.html

Mythes, mensonges et conspirations du magazine français L’Express

« Si j’avais accès aux médias mainstream, je commencerais peut-être à me demander si je fais quelque chose de mal. Est-ce que j’appuie le pouvoir en place au point où ses représentants sont prêts à me laisser avoir accès aux médias? Je commencerais à douter de ce que je fais. » Noam Chomsky, 1995 Récemment, le magazine français L’Express a publié un « article » intitulé Conspirations, rumeurs, parodies: l’annuaire des sites “d’infaux”. Il s’agit d’une sorte de liste noire sur laquelle on a pris soin de mélanger des médias indépendants faisant un travail sérieux sur l’actualité mondiale avec des sites strictement parodiques et d’autres portant, entre autres, sur les ovnis et les extra-terrestres. Tactique usée, l’amalgame entre l’ufologie et le journalisme indépendant constitue le dernier refuge d’une élite médiatique désespérée et sans arguments pour contrer ses critiques. Le site Mondialisation.ca, se trouve sur cette liste dans la catégorie des « sites présentés comme sérieux » en compagnie d’autres sites axés sur la géopolitique, comme celui du journaliste belge Michel Collon Investig’action, Ilfattoquotidiano et… extraterrestre-ovni.blogspot.ca. Constatez par vous même l’absence totale de liens entre ce site d’ufologie et les trois autres traitant de l’actualité mondiale et très critiques des guerres de l’OTAN. Il est évident que le but de cet exercice de L’Express est de discréditer les sites qui critiquent la politique étrangère occidentale, les interventions militaires menées par les États-Unis et l’OTAN, ainsi que la désinformation et la propagande de guerre des médias dominants occidentaux qui les appuient, incluant celle de L’Express. L’obsession médiatique pour les sites soi-disant conspirationnistes est en voie de devenir légendaire. Depuis qu’internet a démocratisé l’information, les médias mainstream n’ont plus le contrôle absolu du message et leur désinformation, particulièrement leur propagande de guerre, est régulièrement exposée au grand jour par ce qui est devenu une véritable communauté de médias indépendants. En conséquence, les citoyens du monde délaissent les grands médias qui, d’une guerre à l’autre, inspirent de moins en moins confiance. Afin de lutter contre son déclin, l’establishment médiatique a recours à cette tactique de bas étage : le dénigrement des sites indépendants qui ont fait leurs preuves et contré la propagande des élites en effectuant un véritable travail journalistique. Si la liste de L’Express peut paraître inoffensive, elle relève d’une vaste attaque de l’élite contre la liberté de presse et la liberté d’expression. La soi-disant dangereuse radicalisation des jeunes occidentaux par internet n’est qu’un prétexte servant la dérive des dirigeants vers une véritable police de la pensée. Celle-ci est déjà en place et l’on a constaté ses effets pervers sur la liberté d’expression avec les risibles accusations d’apologie du terrorisme contre Dieudonné et la censure de certains sites web par le ministère français de l’Intérieur. Il y a une forme d’inquisition insidieuse s’attaquant à quiconque ose s’opposer au discours dominant. Il n’y plus de place pour les débats. Si votre opinion va à l’encontre de la pensée unique et même si vous vous appuyez sur des faits établis, vous êtes un conspirationniste. Point. L’Express, maître dans l’art de la conspiration? Ironiquement, les apôtres de la pensée unique accusent leurs critiques de propager des théories de conspiration, alors qu’en réalité les grands médias comme L’Express sont des champions de la conspiration, particulièrement celles qui servent à justifier des guerres. Examinons quelques exemples récents de mythes et théories de conspiration propagés par les grands médias, dont L’Express. Nous prendrons uniquement comme exemple l’offensive médiatico-politique contre la Libye ayant servi à « fabriquer le consentement » du public en faveur de l’intervention militaire de l’OTAN. Rappelons que cette opération « humanitaire » a transformé le pays le plus riche de l’Afrique en un champ de ruines où règne le chaos. Les mythes propagés par L’Express Les dix plus grands mythes sur la guerre contre la Libye, un article publié en anglais sur le site Counterpunch, sera le point de référence pour démontrer la tendance conspirationniste de L’Express. L’auteur, Maximilian C. Forte, est professeur d’anthropologie à l’Université Concordia et l’auteur de plusieurs livres dont Slouching Towards Sirte: NATO’s War on Libya and Africa (Baraka Books, 2012). Nous explorerons cinq des mythes évoqués par le professeur Forte. Pour chacun d’eux, vous trouverez une liste d’articles publiés sur le site web de L’Express. Nous nous limitons à quelques articles par mythe. Mythe 1 : Le génocide Le professeur Forte explique que ce mythe est issu entre autres de déclarations de l’adjoint du représentant libyen à l’ONU Ibrahim Dabbashi et du président de la Ligue libyenne des droits humains Soliman Bouchuiguir. Tous deux ont délcaré qu’il fallait s’attendre « à un véritable génocide à Tripoli » et que si les forces de Kadhafi atteignaient Benghazi, « il y [aurait] un réel bain de sang, un massacre comme nous l’avons vu au Rwanda ». M. Forte souligne que « le génocide implique la persécution d’un « groupe national, ethnique, racial ou religieux », ce qui n’était pas le cas en Libye. « Au contraire, l’intervention militaire a rendu possible une réelle violence génocidaire » contre les migrants africains et les Libyens noirs, ajoute-t-il. Articles de L’Express propageant ce mythe : Libye: avancée des pro-Kadhafi, le Conseil de sécurité vote sur la zone d’exclusion 17 mars 2011 -Le colonel Kadhafi prépare un “vrai génocide” en Libye, avait averti auparavant l’ambassadeur adjoint libyen à l’ONU, Ibrahim Dabbachi, qui a fait défection au régime, appelant à une intervention rapide de la communauté internationale, qui tergiversait depuis plusieurs jours. Libye: 5 indices d’un affaiblissement du régime – L’Express Feb 21, 2011 – L’ambassadeur libyen auprès des Nations unies, Ibrahim Omar Al Dabashi “pense que c’est la fin du colonel Kadhafi”. C’est ce qu’il a déclaré à la BBC, avant d’ajouter: “C’est une question de jours. Soit il part, soit les Libyens le chasseront”. Il a également affirmé que Kadhafi devrait être jugé “pour génocide”, pour “le massacre de la prison d’Abou Salim”, les “disparitions de personnalités publiques” et “pour tous les crimes commis depuis 42 ans”. Le jour où la Libye a commencé à échapper à Kadhafi Feb 23, 2011 -L’ancien chef du protocole du colonel, Nouri El-Mismari, après sa démission, a qualifié de “génocide” la violente répression exercée contre les opposants. Mythe 2 : Manifestants pacifiques pro-démocratie ou terroristes? Benghazi, foyer de la rébellion Libyenne en 2011, était citée dans un rapport de l’Académie militaire de West Point aux États-Unis en 2007 comme un important repaire de djihadistes au Moyen-Orient. Pourtant ni L’Express, ni aucun autre média occidental n’a mentionné ce fait crucial en 2011, car cela aurait complètement ruiné l’image fabriquée de « manifestants pacifiques » donnée aux violents djihadistes et donné raison à Kadhafi qui disait, avec raison, qu’il était aux prises avec des islamistes, incluant Al-Qaïda. Le Belfer Center for Science and International Affairs, du Harvard Kennedy School le dit clairement et d’entrée de jeu dans un texte intitulé Les leçons de la Libye : Comment ne pas intervenir : « Le soulèvement de 2011 en Libye n’a jamais été pacifique. Il s’agissait plutôt d’un soulèvement armé et violent dès le départ. Mouammar Kadhafi n’a pas ciblé de civils ou eu recours à une force excessive […] Le but de l’intervention de l’OTAN ne visait pas incipalement à protéger les civils mais à renverser le régime de Kadhafi [...] » (Alan Kuperman, Lessons from Libya: How Not to Intervene, Belfer Center for Science and International Affairs, septembre 2013) Les médias occidentaux ont présenté les rebelles comme des manifestants pacifiques et ridiculisé Kadhafi lorsqu’il affirmait, avec raison, qu’il s’agissait de djihadistes. Articles de L’Express propageant ce mythe : La France réclame le départ de Mouammar Kadhafi Feb 25, 2011 - Interrogé sur l’éventualité d’une intervention militaire visant à arrêter la répression contre les manifestants pro-démocratie dans le pays… Libye: 84 personnes tuées en trois jours Feb 19, 2011 -Un décompte de l’AFP fait à partir de différentes sources locales évaluait vendredi soir le nombre de morts à 41 depuis le début des protestations. “Les autorités libyennes doivent arrêter immédiatement les attaques contre les manifestants pacifiques et les protéger des groupes armés pro-gouvernementaux” Mouammar Kadhafi dénonce Al Qaïda et met en garde l’Occident Mar 2, 2011 Évoquant les possibilités d’interventions extérieures, le dirigeant libyen s’est exclamé: “Nous ne l’accepterons jamais. Nous entrerons dans une guerre sanglante et des milliers et des milliers de Libyens périront si les Etats-Unis ou l’Alliance atlantique intervenaient. Selon Kadhafi, l’insurrection en cours depuis une quinzaine de jours est imputable à des “terroristes” et elle n’aurait fait tout au plus que 150 morts, alors que diverses estimations internationales font état de milliers de tués. Mythe 3 : Les mercenaires africains Les médias ont propagé la rumeur voulant que les Noirs qui se battaient contre la rébellion comme des « mercenaires africains » alors que bon nombre d’entre eux étaient des travailleurs migrants ou des Libyens noirs, explique Max Forte. Articles de L’Express propageant ce mythe : En Libye, les immigrés africains pris pour des mercenaires Apr 13, 2011 - Les insurgés accusent en effet Mouammar Kadhafi de recourir aux services de mercenaires venus d’Afrique sub-saharienne pour tenter de mater la rébellion […] Lors d’une conférence de presse diffusée cette semaine en direct, le chef du Conseil national de transition, de la rébellion, a fait part de ses inquiétudes auprès d’une délégation de l’Union africaine au sujet du recours par le régime Kadhafi à des mercenaires sub-sahariens. Mouammar Kadhafi contre-attaque, appel à l’aide des insurgés Mar 2, 2011 - Les forces loyales à Mouammar Kadhafi ont contre-attaqué mercredi dans l’est de la Libye, où les insurgés ont réclamé un appui aérien de l’Onu contre les “mercenaires africains” présentés comme le fer de lance des partisans du dirigeant libyen […] A Benghazi, capitale de la Cyrénaïque et fief du mouvement insurrectionnel, le Conseil national libyen (CNL) de trente membres mis en place dimanche a placé à sa tête l’ancien ministre de la Justice Moustafa Abdeldjeïl et a demandé aux Nations unies d’envoyer des avions “attaquer les bastions des mercenaires africains” que Kadhafi utiliserait contre son propre peuple. Libye: les pro-Kadhafi résistent dans leurs bastions assiégés Sep 28, 2011 - Mais “plus de dix de nos combattants ont été tués mardi dans des combats rapprochés” dans l’est de la ville, a déclaré un commandant [...] “Les pro-Kadhafi se battent en civil et il y a des mercenaires africains partout à Syrte” […] Les images satellitaires du site “nous ont aidés à localiser des fermes où nous savions que des mercenaires de Kadhafi se cachaient et à positionner nos combattants hors de portée de leurs missiles” [...] Libye: la CPI en contact avec Seif al-Islam Kadhafi Oct 28, 2011 - Seif al-Islam serait actuellement toujours en fuite. Et sous bonne garde: le quotidien sud-africain Beelda assuré jeudi qu’un groupe de mercenaires sud-africains se trouvait toujours en Libye et tentait de l’exfiltrer […] Mais le nouveau communiqué de la CPI, ce jeudi, signale cependant une autre piste. “Nous avons en outre appris par des voies informelles qu’un groupe de mercenaires a offert de transférer Seif” […] Parmi ces pays, le Zimbabwe (dont le président était proche de Kadhafi) ou l’Afrique du Sud (d’où viendraient les mercenaires qui protègent le fils Kadhafi) Libye : Les vérités de l’ancien chef du protocole de Kadhafi Mar 2, 2011 -”Si Kadhafi a recruté tant de mercenaires africains, c’est qu’il n’a aucune confiance en son armée. “ Mythe 4 : Les viols et le viagra Kadhafi aurait ordonné des viols et distribué du viagra à ses soldats. La rumeur a été lancée par Al Jazeera et et reprise entre autres par Luis Moreno-Ocampo, procureur de la Cour pénale internationale, l’ambassadrice des États-Unis à l’OTAN, Susan Rice et la secrétaire d’État étasunienne Hillary Clinton. Cherif Bassiouni, chef de l’enquête de l’ONU sur les droits humains en Libye affirmait le 10 juin 2011 que ces histoires de Viagra et de viols de masse n’étaient que « de l’hystérie ». À la question « Du côté Kadhafi, on parle beaucoup de viols de masse commis par son armée ? », posée par Libération le 22 juin, Donatella Rovera d’Amnesty International répondait: « Nous n’avons pas trouvé de cas de viol, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en a pas eu mais cela pose néanmoins des problèmes. Non seulement nous n’avons pas rencontré de victimes, mais pas davantage de personnes qui ont rencontré des victimes. » Articles de L’Express propageant ce mythe : Kadhafi accusé d’ordonner des viols en Libye Jun 9, 2011 – Kadhafi, qui accusait les insurgés d’être des “jeunes drogués auxquels les hommes de Ben Laden auraient distribué des médicaments” au début de la crise libyenne, aurait fait distribuer des stimulants sexuels de type Viagra à ses soldats, a aussi indiqué mercredi le procureur de la CPI. Kadhafi aurait encouragé les viols d’opposants Jun 9, 2011 – Les accusations de viols d’opposants en Libye ne sont pas nouvelles. En avril, l’ambassadrice américaine aux Nations unies, Susan Rice, a affirmé que les hommes de Kadhafi étaient alimentés en Viagra, traitement indiqué contre l’impuissance sexuelle…Il y a, a-t-il dit, des preuves que la Libye achetait des “containers entiers” de ces drogues “pour augmenter la possibilité de violer des femmes“. Libye: Tripoli menace d’attaquer tout navire entrant dans le port de Misrata Apr 29, 2011 - MISRATA (Libye) -Washington a souligné jeudi soir que la coalition internationale, accusée par certains pays de dépasser le mandat de l’ONU, était confrontée à un adversaire atypique, affirmant par exemple que le régime libyen distribuait du viagra à ses soldats pour qu’ils violent des femmes. Mythe 5 : Une victoire pour la Libye L’intervention militaire de l’OTAN et la chute de Kadhafi ont été présentés comme une victoire pour les Libyens. Pour Alan Kuperman, il n’y a rien de plus faux. Le plus grand malentendu à propos de l’intervention de l’OTAN, c’est qu’elle a sauvé des vies et a bénéficié à la Libye et ses voisins. En réalité, lorsque l’OTAN est intervenue à la mi-mars 2011, Kadhafi avait déjà repris le contrôle de presque toute la Libye, alors que les rebelles se retiraient rapidement vers l’Égypte. Ainsi, le conflit était sur le point de se terminer à peine six semaines après avoir éclaté, avec un bilan d’environ 1 000 morts, incluant les soldats, les rebelles et les civils pris entre deux feux. En intervenant, l’OTAN a permis aux rebelles de résumer leur attaque, prolongeant ainsi la guerre pendant encore sept mois et causant la mort d’au moins 7000 personnes de plus. (Alan Kuperman, Lessons from Libya: How Not to Intervene, Belfer Center for Science and International Affairs, septembre 2013) Il convient de mentionner que le « consulat » des États-Unis établi à Benghazi après le renversement de Kadhafi servait de couverture à une opération de trafic d’armes livrées aux mercenaires se battant en Libye. En réalité, l’intervention en Libye était une victoire pour le terrorisme. Pour L’Express, à vingt mille lieues du réel, c’était une victoire pour la démocratie. On parle de l’intervention de l’OTAN comme d’un « prodige » en citant des bilans de « zéro morts » dans les rangs de l’ « Alliance », en prenant soin de ne pas indiquer les milliers de morts en dehors de ces rangs. Articles de L’Express propageant ce mythe : Otan, les ailes de la victoire en Libye Aug 31, 2011 - Pour les Occidentaux engagés auprès des insurgés libyens, la réussite de l’opération militaire sans troupes au sol est totale… [L]e conflit libyen aura été l’un des plus “propres” de l’Histoire. Le bilan affiché par les forces de l’Otan est éloquent: zéro mort dans les rangs de l’Alliance et seulement deux erreurs de tirs “probables”, selon un officier de haut rang, sur plus de 7500 missions de frappes aériennes. A l’origine de ce prodige, trois raisons principales: la technologie des aéronefs, la précision des armements, l’absence de troupes au sol. “En Libye, Sarkozy prend un petit bain de popularité” Sep 16, 2011 - Nicolas Sarkozy était en voyage en Libye , accompagné d’Alain Juppé et de Bernard-Henri Lévy. “C’est la victoire de la démocratie, félicitations aux acteurs connus, mais aussi à ceux qui sont dans l’ombre: l’OTAN, les forces spéciales françaiseset anglaises, sans oublier le peuple Libyen qui a payé un lourd tribut pour se séparer d’un dictateur [...] Libye: une victoire occidentale Aug 22, 2011 – C’est parce les occidentaux ont empêché Benghazi d’être rayée de la carte qu’aujourd’hui Kadhafi tombe. Sinon, il serait plus puissant que jamais dans un pays saigné à blanc. Conclusion Si l’on arrive à trouver sur le site de L’Express autant de mythes et de mensonges uniquement au sujet du soulèvement armé en Libye et de l’intervention militaire de l’OTAN qui a laissé ce pays en ruine, imaginez la quantité d’« infaux » qui y circulent. Avant de procéder à une chasse aux sorcières aux quatre coins du web, L’Express devrait commencer par nettoyer sa propre cour. Julie Lévesque
Julie Lévesque est journaliste et chercheure au Centre de recherche sur la mondialisation

vendredi 3 avril 2015

Pour une Nouvelle Haïti : une lutte contre nous-mêmes

Comprendre l'intolérance viscérale aux opinions contraires


Jean Dominique sous le regard d'Aristide: un montage suggestif
Pour remémorer le quinzième anniversaire de la mort de Jean Dominique, je tiens à partager avec vous un texte que j'ai publié sur ma page Facebook le 20 février 2015. Ce texte rappelle la clairvoyance intellectuelle de l'un des plus grands journalistes haïtiens de la fin du 20e siècle. Jean Do est l'un des intellectuels organiques par excellence de la société haïtienne qui rejoignait sa pensée politique à la praxis. Allié de la cause des opprimés sous le régime de Duvalier, il a su conscientiser tous les laisser-pour-comptes qu'une Nouvelle Haïti était possible et il en a fait son sacerdoce. Il n'était pas seulement l'ennemi d'un régime mais de toute une mentalité incrustée, ancrée dans la société haïtienne,donc un système archaïque..

Jean-Anil Louis-Juste, assassiné quelques heures avant le séisme de 2010
Si son assassinat a été perpétré par des gens clairement identifiés, mais, inconsciemment ou consciemment, ces gens sont les suppôts d'une culture d'intolérance, d'une conception primaire de l'oligarchie haïtienne et de l'élite en générale, d'un individualiste sectaire et étroit. Jean Anil Louis-Juste, tué le jour même du séisme du 12 janvier 2010, aussi peut être considéré comme victime de l'intolérance, du refus de la divergence d'opinions, du refus de la pensée monolithique, nous a rappelé la profondeur du mal que nous a inoculé notre système d'éducation. Il est dans la droite ligne de la mission d'évangélisation des sauvages des églises chrétiennes. 1804, la plus grande révolution des temps modernes, a été trahie par nos élites en la personne de Fabre Nicolas Geffrard par le Concordat de 1860. Ces élites nous ont remis en esclavage, cette fois-ci de gré. Comme le dit si bien le Professeur Jn Anil Louis_juste :

A propos, il semble qu’aucun éducateur haïtien n’ait encore posé la question de l’inexistence de lien axiologique entre l’école et la famille en Haïti. Pourquoi la très forte culture de solidarité qui caractérise la famille haïtienne, n’a pas influé sur le mode d’évaluation pratiqué à l’école, par exemple ? Comment des élites intellectuelles continuent-elles à êtres solidaires dans la vie familiale et égoïstes dans le vie publique ? Quelles sont les possibilités de communication horizontale entre l’école et la famille en Haïti ? Seulement, nous savons que la pratique sociale assimilant le voisinage à la famille, reste l’expression la plus significative de la solidarité dans le monde haïtien. L’être de l’Haïtien et son devenir-être devaient être formés dans la valeur de la solidarité. Selon Leal, il n’est pas possible de penser les êtres humains même loin de l’éthique, encore moins, hors de celle-ci. http://www.alterpresse.org/spip.php?article1323#.VR7_LZOo_IX

La crise intellectuelle

On comprend mieux par cette citation, toute la cassure, toute la division, tout cet apartheid social, politique, économique et culturel. Alors la modernité, sans résoudre l'essentiel des problèmes qui traversent la société haïtienne, ne serait que de la rhétorique, donc chimérique. Permets-moi une dernière citation de Jn Anil Louis-Juste :

L’économie ne se développe pas hors de la culture qui produit les instruments de travail, mais la culture est impensable sans la satisfaction des besoins matériels de l’homme-projet. La politique, c’est cette forme de communication entre l’économique et le culturel, qui harmonise les échanges nécessaires dans le monde des hommes. Les chefs de la Révolution de 1791 avaient, par contre, fondé l’équilibre interne des nouveaux et anciens libres sur la domination des grandons et commerçants compradores d’Haïti. http://www.alterpresse.org/spip.php?article1323#.VR7_LZOo_IX
Haïti est une société fondée sur la base d'une idéologie anti-moderniste par le refus de créer des liens émotives sur la base de la culture de la vaste majorité des habitants. L'école haïtienne a pour mission de faire de l'être sa propre force de destruction. Quand on a fréquenté l'école haïtienne, on devient fossoyeur du pays parce que l'école nous enseigne à détruire ce que nous sommes en termes intangibles, en termes de culture en général et, par voie de conséquence, notre espace vital, la nation en devenir hypothéqué.C'est le fait d'oublier trop souvent ou d'ignorer ce fait capital que l'école ne transmet pas uniquement des connaissances mais aussi des valeurs, des émotions, donc une conception du monde, qui empêche de comprendre et résoudre la crise haïtienne dans sa longue durée relative, soit depuis l'indépendance. C'est l'articulation entre la raison et une certaine vision du monde qui donne à l'école son rôle émancipateur. Sinon elle ne vaut rien. Si elle continue à exister en dépit de son inutilité dans ce cadre unique, c'est qu'elle est aussi pauvre que la pauvreté qu'elle produit. Car un système d'éducation n'existe que pour répondre aux problématiques de l'heure et de devenir de l'entité nationale.


Un échantillon d'exception : conviction idéologique  


Jean Dominique, assasiné en 2000Ces quelques opinions de Jean Léopold Dominique(Jan Do), l'un des intellectuels des plus brillants après Anténor Firmin, Edmond Paul, Jacques Roumain, Jacques S. Alexis et Georges Anglade, sur la petite intellectualité haïtienne dans le livre Haiti Elections 1990 : quelle démocratie? s'arriment bien avec la source du mal haïtien évoqué ci-haut, la source du mal même. Elles concordent bien avec la réflexion de Jn Anil Louis_juste.

«Dans les années 60-70, des intellectuels petits-bourgeois ont fantasmé sur l'Artibonite, «Sierra Maestra de notre révolution». Mais l'intellectuel petit-bourgeois n'a-t-il pas pour fonction principale de fantasmer en Haiti ?» J'ajouterais qu'il n'est qu'un sophiste sans esprit critique, voir incapable d'être créatif. Il pratique le psittacisme, c'est un perroquet qui récite sans comprendre.



Une analyse sans compromis :Profonde

Une autre flèche subtile de Jan Do : « Qu'il s'agisse de réforme agraire dont nos universitaires se gargarisent, de développement agricole, tarte à la crème(point de vue banal, divagation NDR) d'académiciens, d'érosion, sur laquelle tant de bonnes âmes se lamentent, de Péligre, des coupures de courants, quand on gratte les problèmes, quand on fouille cette question agraire, on trouve le pilier central du système d'extorsion et de répression à la campagne. Le chef de section...» Au fait, l'intellectuel haïtien parle en général pour ne rien dire, sauf à faire de la poésie à rabais, l'utilisation de clichés à profusion. Il ne s'intéresse pas à une sortie théorique de l'impasse mais à épater son entourage de ses connaissances livresques. Nul en pratique.

Encore Jan Do : « Cette structure absurde ( le chef de section NDR) nous conduit à un abîme, mais nous ne trouvons pas le point d'appui pour la casser, le point sensible pour la désarticuler. Est-ce que nous manquons de l'imagination?» Évident Jan Do. Si tu étais encore vivant, tu verrais que le pays est tombé dans les mains d'un strip-teaser au nom de Sweet Micky. Aussi Kplim est devenu son homme de paille en compagnie de Victor Benoit. T'as encore rien vu Jan Do: Moise Jean Charles serait candidat au poste de président pour les prochaines élections. Le pays n'est-il pas dans kawka pour l'éternité?!

Une autre fulgurante force de réflexion de Jan Do :« [...] je citerais volontiers un spécialiste qui me mettait en garde contre ceux qui prônent le reboisement aujourd'hui. Ils préparent, dit-il, de nouvelles jachères. La solution à l'érosion n'est donc pas le reboisement. Planter des arbres aujourd'hui n'est pas la question essentielle. Il faut déchouker la structure répressive et spoliatrice, qui elle, est responsable de l'érosion des sols, de l'érosion de la production. Mais ce grand projet, car il est immense, grandiose, ne pourra se réaliser que par toutes petites étapes... Une prise de pouvoir progressive et partielle...»

La compréhension de la problématique haïtienne dans ses tripes peut expliquer le fait que Jan Do ait été éradiqué de la carte d'Haiti. En tout cas, pour l'essentiel.Ces quelques idées forces développées sont les préludes à la rédaction prochainement de l'article : grammaire de la pensée philosophique de l'intellectuel haïtien...

Ernst Jean Poitevien

Toutes les citations de Jean Dominique sont prises dans : Haïti, quelle démocratie? Les élections générales de 1990, ouvrages collectifs de Haiti Solidarité Internationale(HSI)
http://haiti-tribune.blogspot.com/2014/11/blocage-inextricable-et-malsain.html
http://haiti-tribune.blogspot.com/2014/05/haiti-des-elites-malades-de-leur-culture.html
http://haiti-tribune.blogspot.com/2014/12/la-maladie-sociale-commence-par-la-tete.html

mardi 31 mars 2015

La Cour des comptes appelle à investiguer sur les chantiers publics

Source Le nouvelliste 
Auteur :  Louis Joseph Olivier

imageCertaines autorités publiques sont dans le collimateur de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA). La Cour des comptes affirme qu’il y a eu un laisser-aller qui mérite des investigations concernant les projets de construction d’infrastructures publiques. C’est l’une des conclusions du rapport sur la situation financière du pays présenté la semaine écoulée par le conseil de la Cour.
Dans ce rapport, la CSCCA s’est beaucoup attardée sur les travaux de reconstruction d’infrastructures publiques d’après le tremblement de terre. Actuellement, ces chantiers publics sont pour la plupart suspendus. Comme c’est le cas au niveau des bâtiments devant accueillir les ministères de l’Intérieur et du Commerce au Champ de Mars.

Les experts de la Cour des comptes se sont proposés de faire la lumière sur ce qui empêche la construction des infrastructures d’avancer. « Un laisser-aller qui a abouti à des cas qui méritent des investigations sérieuses pour comprendre comment les fonds de l’Etat ont été effectivement dépensés », retient le rapport de la Cour supérieure des comptes qui note de nombreuses irrégularités.

Les récentes visites des enquêteurs de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif sur les lieux de travail révèlent que dans certains cas, des retards de deux ans ont été enregistrés dans l’exécution des travaux alors que les exécutants ont déjà reçu la plus grande portion des montants de leurs contrats. « Des contrats d’exécution n’ont pas été respectés. Des projets sont restés inachevés et n’ont pas pu être livrés dans les délais impératifs. Les faiblesses de gestion diverses ont été généralisées et on le constate tant du côté des ordonnateurs que du côté des exécutants des contrats », rapportent les spécialistes de la Cour supérieure des comptes.

La Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif insiste en dénonçant l’octroi du pactole aux firmes étrangères. « Environ 23.5 milliards de gourdes sur 28.5 milliards sont exportés vers l’extérieur à travers les firmes qui mobilisent les ressources d’exécution qui serviront à payer les professionnels étrangers et les intrants importés et les profits d’entreprise, poursuit le rapport qui tient compte de l’exercice fiscal 2013-2014. Il s’ensuit que les 24.5 milliards sur les 28.5 milliards reçus par les firmes internationales  sont loin de pouvoir produire des impacts significatifs sur l’économie ».

Les experts de la CSCCA rappellent que ces firmes ont été toutes engagées sur la base de gré à gré dans la majorité des cas depuis 2012, sous la couverture de la loi d’urgence. « La Cour estime cette coïncidence malheureuse car elle n’a pas permis à l’Etat haïtien de profiter des meilleurs coûts pour l’exécution des travaux encore moins aux firmes  haïtiennes de profiter de cette injection massive de capitaux pour se développer technologiquement et enclencher le processus de capitalisation nécessaire pour construire ce tissu entrepreneurial vital. »

Ce rapport, qui épingle les autorités haïtiennes, a été rendu public par les membres du conseil de la Cour. C’est le premier de ce genre rendu public par l’équipe dirigée par Fritz Robert St Paul, président du conseil. Ce rapport aborde plusieurs dossiers ayant rapport avec les finances publiques, y compris les projets de construction d’infrastructures publiques. Là où l’équipe Martelly-Lamothe avait surtout péché, au regard des révélations faites dans ce rapport.

« Partant de ces constatations, on arrive à la compréhension selon laquelle ni les ordonnateurs, ni les exécutants ne se sont sentis vraiment liés par l’obligation du respect strict des procédures et des clauses contractuelles, affirment plus loin les experts de la CSCCA.  Les ressources dépensées pour le financement des contrats qui ne sont pas exécutés et constituent des fonds sur lesquels des intérêts sont accumulés ».

Les dépenses publiques engagées et exécutées au cours des deux dernières années et dont les résultats auraient dû se faire sentir au cours de l’exercice 2013-2014 ont été globalement inefficaces sur le plan interne. Les abus divers qui ont été révélés ne sont susceptibles de garantir ni la performance interne, ni la performance économique, encore moins de mettre le pays sur la route de 2030, selon le rapport. Comme presque toujours, les maigres ressources dont dispose l’Etat haïtien ne servent pas toujours au développement socio-économique du pays.

Notre héritage : les dédales d'un mode de pensée

   Les apories discursives   Les invariants du mode de pensée haïtienne font partie des forces de freinage de tout progrès . L'un de ce...