mercredi 31 octobre 2012

L’affaire Clifford Brandt : une velléité de rétablir l’ordre ou…

Clifford Brandt
Permettez-moi, chers lecteurs, de partager avec vous mon opinion sur l’arrestation de l’homme d’affaires Clifford Brandt. Suite à un texte écrit par Leslie Péan qui met en perspective l’histoire de la famille Brandt, je me suis posé la question s’il fallait tout de go démoniser ou sacraliser les Brandt. L’histoire de ce pays nous amène à se questionner sur la véracité des accusations émises contre Clifford Brandt sans pour autant le dédouaner. En Haïti, on sait très bien que selon sa proximité du pouvoir, on jouit d’un certain nombre de privilèges; donc plus on s’en éloigne, plus on perd pieds dans les affaires, si ce n’est la dégringolade totale. On a qu’à se rappeler le cas de Clémard Joseph Charles, grand banquier, grand argentier, pendant quelque temps, sous le gouvernement de François Duvalier. Les exemples en ce sens sont légions. L’inconscient collectif haïtien représente de façon manichéenne la réalité par le couple Mulâtre/Noir en éludant les vrais rapports sociaux, les vrais conflits qui travaillent cette société, donc la tragi-comédie de la rhétorique patriotique. Dans ce même ordre d’idées, on sait que la morale publique en Haïti n’est jamais aller au-delà de la rhétorique; le peu de cas de l’intérêt général ne dépasse jamais le discours. Mais l’amour charnel, charnel seulement, pour ce pays s’est avéré. Partant de ces prémisses, j’émettrai deux hypothèses : la première, les Brandt qui ont perdu beaucoup de plumes durant les 25 dernières à cause de la politique ultra libérale des gouvernements antérieurs décident d’agir en bandits face à un État irresponsable; la seconde, le pouvoir faisant face à la grogne de la population qui pourrait devenir explosive, pour détourner l’attention, sort de son chapeau cette affaire Brandt.

Brandt et Moscosso : que savons-nous?

Kidnapping des enfants Moscosso
Des informations sur la famille Brandt se trouvent dans l’article de Leslie Péan. Ce dernier nous étale l’histoire de cette famille qui remonte au début du siècle précédent, dont le patriarche est Oswald J. Brandt, arrivé en Haïti de la Jamaïque, mais d’origine allemande. Il a profité de ces relations avec des politiciens qui ont tissé des liens avec sa famille durant leur exile à la Jamaïque, dont Antoine Pierre Paul (le premier à se soulever contre l’occupation américaine) et Septimus Marius, ministre des finances sous le président d’Antoine Simon. Le patriarche a profité de la séquestration des biens allemands, sous le gouvernement d’Élie Lescot. Aussi on se souvient de sa participation dans l’opposition à François Duvalier par la radio Vonvon, une station basée à New York qui diffusait des informations succulentes sur ce qui se passait au Palais National. Il a été aussi forcé par Duvalier de financer la Grande-Rue. Pour ce qui est des Moscosso, ils sont des propriétaires de la SOGEBANK. Ils possédaient aussi, avec les Saliba et Jacques Garcia, ancien aide de camp et commandant de la Garde présidentielle des Duvalier, le cinéma Triomphe. La famille Moscosso, ce qui ressort de notre petite enquête, a été toujours proche des Duvalier et de l’Armée d’Haïti, et même de la Police Nationale d’Haïti (PNH). Dans cette saga, plusieurs membres des familles de l’oligarchie seraient impliqués directement ou indirectement dans le kidnapping depuis 2004. Le coup de filet de la police n’aurait pas épargné des membres de la Vorbe, dont Dimitri et Nicolas Vorbe, des Handal, dont Stanley Handal. Rappelez-vous l’influence extraordinaire que jouissait la famille Vorbe durant la présidence de René Préval. Les contrats de construction de routes leur ont été quasiment dédiés. N’oubliez pas que la femme de Préval était la femme de Réginald Vorbe après la mort de Leslie Delatour (économiste néolibéral qui a détruit l’économie haïtienne sous le CNG de Namphy).

Les Moscosso, une famille au-dessus de tout soupçon


Il est curieux que ce soit l’affaire du kidnapping des enfants de Robert Moscosso qui ait mis le branlebas de combat contre ce phénomène qui semblait être la norme dans la société haïtienne. Il semblerait que des agents du FBI soient sur le terrain parce que les actions de ces kidnappeurs auraient des portées négatives sur la sécurité des États-Unis. La justice américaine serait saisie de plusieurs violations commerciales impliquant le territoire américain. L’entrée en scène des États-Unis, suite à l’enlèvement des enfants de Robert Moscosso, vient brouiller la compréhension de cet évènement. On aurait ainsi raison de croire que le gouvernement veule rétablir l’autorité de l’État. A ce qu’on sache le gouvernement de Préval avait la sympathie de la communauté internationale et de l’Oncle Sam en particulier. Quelle est donc l’urgence aujourd’hui de s’attaquer à ce puissant réseau de kidnapping? Pourquoi a-t-on attendu l’affaire Moscosso pour qu’on épingle les têtes pensantes du gang? Qui est donc cet être suprême qu’est Moscosso? Quel est le lien entre la grogne de la population et le démantèlement de cette bande à Clifford Brandt? A ce qu’on sache aussi Clifford Brandt et Robert Moscosso possèdent, respectivement, une concessionnaire Mazda et Isuzu. Rappelez-vous par ailleurs que le Père et le frère de ce Brandt ont été arrêtés en 2007 pour de fausses factures de douane le commissaire Claudy Gassant. Y avait-il eu procès et quel a été le verdict?

Bourgeois haitien
En conclusion, ce dont je voudrais attirer votre attention c’est qu’il ne faut pas croire aveuglément les autorités haïtiennes. Les deux grands procès qui ont marqué l’histoire haïtienne durant le dernier siècle, soit le procès de consolidation sous Nord Alexis et celui des timbres sous Jean-Claude Duvalier, n’ont été que des parodies. Dans le premier cas, trois des condamnés, dont Cincinnatus Leconte, Tancrète Auguste et Villebrun Guillaume, sont devenus président d’Haïti. Dans le second cas, l’une des filles de Duvalier, trempée de la tête jusqu’aux orteils dans cette affaire, et d’autres manitous du régime n’ont été nullement inquiétés. Malheureusement, l’histoire a cette fâcheuse habitude de se répéter piteusement en Haïti qu’on ne saurait ne pas remonter le fils de l’histoire de ce pays sans pour autant rebrousser chemin. Il se pourrait bien que les démenés d’une frange importance de l’oligarchie haïtienne aient des répercussions indésirables sur le territoire américain, que les autorités de ce pays trouvent tellement pernicieuses ces actions qu’elles doivent intervenir. Cependant n’allez pas croire que les autorités haïtiennes sont sensibles au rétablissement de l’autorité de l’État. S’il faut croire les sources consultées dans le cadre de ce papier, des proches de Michel Martelly seraient aussi impliqués. Ne faut-il pas mettre aussi sous les verrous le président de la république pour son prélèvement des taxes sur les appels internationaux et le transfert des fonds sans l’aval du parlement? Ce qu’il ne faut pas oublier, surtout, c’est que le régime de Martelly est de type néo duvalérien. Il fonde leurs pratiques de gouvernement sous la propagande et la malversation. Je douterais fort qu'il n'y ait pas d'anguilles sous roche avec cette affaire Brandt. L'avenir nous dira le reste...

http://www.alterpresse.org/spip.php?article13610
http://www.haiti-observateur.net/current.pdf
http://elsie-news.over-blog.com/article-les-familles-et-les-groupes-economiques-qui-controlent-les-richesses-et-la-politique-56586596.html
http://elsie-news.over-blog.com/article-le-groupe-moscosso-vu-par-sentinelle-du-peuple-111692563.html




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mardi 30 octobre 2012

Lettre ouverte au ministre Pierre-Richard Casimir

Montréal, le 27 octobre 2012
Objet : Nos positions divergentes sur le choléra en Haïti _____________________________________________
Monsieur le ministre,

Les signataires de la présente lettre ouverte ont eu l’occasion de vous fréquenter alors que vous étiez consul général d’Haïti à Montréal pendant plusieurs années. D’abord, permettez-nous de vous présenter nos plus vives félicitations pour les nouvelles fonctions auxquelles vous avez été appelé en Haïti. Puisse votre passage à la tête de la chancellerie haïtienne changer l’image floue de la diplomatie haïtienne!

À ce propos, que ce soit à titre de journaliste, d’intellectuel ou de directeur de la seule station de radio haïtienne à Montréal, CPAM 1610 AM, nous avons tous vanté vos qualités et aptitudes d’homme d’esprit ouvert et qui a rempli ses fonctions avec une rare compétence. Vous avez, en effet, changé nos rapports avec le consulat général d’Haïti à Montréal par votre savoir-faire. Aussi, quand nous avons appris votre décision comme ministre de ne pas poursuivre l’ONU pour ses responsabilités dans l’éclosion et la propagation de l’épidémie du  choléra en Haïti, nous sommes-nous posé la question suivante : si le gouvernement haïtien abandonne le peuple à son sort, qui va le défendre? Or, c’est parce que l’impact d’une telle décision dépasse le cadre amical que nous avons décidé de ne pas rédiger un simple courriel à un ami, mais d’étaler au grand jour la problématique de la manière suivante.

Monsieur le ministre, nous n’avons pas l’intention de reprendre ici ce que tout le monde sait déjà de la situation qui nous préoccupe, à savoir que le choléra avait disparu du territoire de la République d’Haïti depuis plus de cent ans, et que la résurgence de cette épidémie coïncide avec la venue dans l’Artibonite d’un bataillon de Casques bleus népalais de l’ONU. Or, ce qui est digne de mention, c’est qu’une enquête diligentée sur le terrain a révélé que la rivière Meye, qui se jette dans le fleuve Artibonite, a été contaminée par des excréments issus des latrines de ce bataillon de la Minustah.

De plus, toutes les études, y compris celle commandée par l’ONU sur la question, estiment que la souche de l’épidémie est asiatique, voire népalaise. Or, il est avéré que les premiers cas de diarrhée sont apparus dans ce campement des Népalais. Il faut noter aussi que votre décision fait fi des conclusions de chercheurs internationaux des États-Unis, du Népal et du Danemark qui ont affirmé, après analyses, que ce sont les Casques bleus de l’ONU qui ont propagé la maladie en Haïti.
Par ailleurs, la docteure Danielle Lantagne, celle-là même qui a été employée en 2011 par l’ONU comme l'un des plus grands experts mondiaux du choléra, vient, à la lumière de nouvelles preuves scientifiques, de modifier significativement sa conclusion pour affirmer que la source de l’épidémie de choléra en Haïti provient du camp des Népalais de Mirebalais.

Monsieur le ministre, l’avocat chevronné que vous êtes sait très bien que pour entamer des procédures en réparation contre une institution ou un individu avec des chances de succès, il suffit d’établir la faute du défendeur, un préjudice subi par le demandeur et un lien causal entre la faute et le préjudice. Nous sommes donc en droit civil, nous ne parlons pas d’une preuve hors de tout doute raisonnable. Il s’agit ici d’une faute grave de la Minustah qui a fait plus de 10 000 victimes; ce qui fait dire aux spécialistes qu’il s’agit de la plus grande épidémie de choléra de ces dernières années.  Or, ces victimes  sont atteintes de la maladie par la négligence de l’ONU.

Paradoxalement, pendant que vous lancez la serviette dans ce dossier, des pays amis comme Cuba, des ONG comme UN WATCH demandent à l’ONU de s’excuser auprès du peuple haïtien et de dédommager les victimes du choléra qu’elle nous a importé.

Par ailleurs, les signataires de la présente ont rencontré un haut responsable de l’ONU, dont nous voulons taire le nom pour l’instant. Interrogé sur la question, il nous a fait part de l’intention de son institution de dédommager les familles des victimes. Le problème pour lui consiste à définir un mode opératoire juste et équitable, compte tenu des difficultés de savoir qui sont morts de choléra et quels sont les ayants droit dans chaque cas.

Dans ces circonstances, les autorités haïtiennes ne doivent pas abandonner les victimes à leur sort. Au contraire, elles ont pour devoir de les accompagner dans leurs démarches auprès de l’ONU. On dit que l’ONU est en Haïti pour aider à la stabilisation d’Haïti. Mais ce statut lui confère-t-il le droit de semer le deuil dans notre pays? En outre, faut-il comprendre qu’en accueillant cette mission les Haïtiens assument tous les risques que comporte une pareille mission, incluant celui de se faire tuer? La réponse s’impose d’elle-même. Au contraire, toute mission qui ne protège pas la vie des Haïtiens est contre-productive pour Haïti.

En terminant, Monsieur le ministre, nous savons que les missions étrangères ne changeront pas le sort des Haïtiens. Nous en avons eu depuis la colonie et jusqu’à aujourd’hui. Un constat demeure : la situation des Haïtiens n’a pas cessé de se dégrader. Force est de conclure qu’il n’y a que les Haïtiens qui doivent faire quelque chose pour eux-mêmes. Pourtant, cette dernière phrase restera toujours une théorie tant et aussi longtemps que nous ne pouvons pas nous faire confiance mutuellement. Autrement, les masses haïtiennes auront toujours raison de ne pas avoir confiance dans leurs élites, puisqu’elles ont toujours été trahies, exploitées et bafouées par ces dernières. Pourtant, la situation est particulièrement triste, lorsque les masses semblent accorder plus de confiance aux étrangers qu’aux nationaux. Nous avons vu des Haïtiens se plaindre aux étrangers venus leur apporter main-forte, lors du tremblement de terre de 2010, de l’attitude de leur président face à eux. Aussi, est-il encore temps pour le gouvernement de se ressaisir. S’il le fait, toute la communauté haïtienne (tant de l’intérieur que de l’extérieur) le supportera. Il en va d’abord de la survie des familles des victimes, et ensuite du respect de tous les Haïtiens.

Aussi, par la présente, les soussignés mettent formellement en demeure l'État haïtien d'engager des procédures en justice contre l'ONU dans le but d'indemniser les familles des victimes du choléra. De plus, l'État haïtien est tenu d'appuyer et éventuellement de regrouper toutes initiatives individuelles ou de groupes visant ce but. Pour ce faire, un délai ne dépassant pas la fin du mois de novembre est accordé à l'administration Martelly-Lamothe. Passé ce délai, nous n'aurons pas d'autre choix que d'intenter une action en justice contre l'État haïtien qui aurait délibérément choisi de ne pas assister une population démunie face à une force d'occupation étrangère.

Veuillez agir en conséquence!__________________________________________

Me Jean Ernest Pierre
avocat, ingénieur de formation
journaliste
analyste politique
PDG de CPAM
Radio Union.Com
Montréal
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Mr. Ismael Rebert
Économiste, analyste politique,
ingénieur de formation
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Docteur Jean Fils-Aimé
gestionnaire de formation,
Pasteur
http://www.lenouvelliste.com/article4.php?newsid=110262

Notre héritage : les dédales d'un mode de pensée

   Les apories discursives   Les invariants du mode de pensée haïtienne font partie des forces de freinage de tout progrès . L'un de ce...