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Laurent Lamothe et Michel Martelly |
L’énoncé de politique générale du nouveau Premier ministre, Laurent Lamothe, recèle des perles que nous ne saurions passer sous silence. Le document manque sérieusement de cohérence dans l’articulation des stratégies pour sortir le pays de sa misère. Autrement dit, on ne trouve pas de fil conducteur entre les différentes propositions d’actions gouvernementales : y a-t-il un ou deux secteurs en particulier qui constitueraient le moteur dans le sens des objectifs à atteindre sur une certaine période de temps ? Il n’identifie pas clairement les objectifs à court, moyen et long terme. Sauf, cette élucubration de faire d’Haïti un
pays émergent en 2030. En s’appuyant sur le Plan Stratégique de Développement d’Haïti (PSDH) élaboré par le ministère du plan, sans préciser la date de publication de ce plan, le Premier Ministre s’est permis cette assertion hasardeuse. En termes claires, en moins de dix-huit ans, Haïti deviendra un pays au statut économique du Brésil d’aujourd’hui. Laurent Lamothe est-il en train de prendre tous les Haïtiens pour des valises ? Il est matériellement et intellectuel impossible d’atteindre un tel objectif, vu la précarité extrême à tous les points de vue dans laquelle se trouve le pays.
L’environnement étant le problème central du pays, l’approche préconisée dans la politique générale du gouvernement nous amène inexorablement à le contourner que de conjuguer une approche multi-sectorielle (énergie, agriculture, touriste, éducation, etc.) et intégrée : le gouvernement priorise l’utilisation du gaz propane et naturel comme solution au charbon de bois. En quoi cela tient-elle compte des contraintes économiques de la population et la disponibilité des sources d’énergie domestique? N’existe-t-il pas des réchauds solaires ? En lisant ce document, ma conviction que les gens qui entourent Martelly sont incapables de penser le développement du pays se renforce graduellement. Aussi, je crois que l’énoncé de politique générale de Lamothe n’est qu’une vaste opération de charme dont la finalité ne vise qu’à renflouer les coffres des acolytes du Président.
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Hilary Clinton et Jean Max Bellerive |
Comment peut-on prendre ces gens au sérieux quand ils font la promotion du touriste et acceptent que le parc industriel de
Caracol soit un élément déstabilisateur de l’écosystème des plans d’eau, dont la Baie de Caracol, la troisième plus belle baie au monde avec ces mangroves et récifs coralliens et du patrimoine historique de cette région, là où se trouve l’emplacement du fortin de la Nativité, du premier port commercial du Nouveau Monde, et j’en passe? Sans compter les effets néfastes de la migration vers cette région d’un nombre important de travailleurs; la pression démographique qui s’en suivra pèsera lourdement sur la configuration du milieu. Aussi, les industries du parc industriel utiliseront une centrale électrique au mazout; l’utilisation des cours d’eau de la région pour déverser les eaux usées sont des facteurs aggravants sur l’environnement. L’expérience des
industries d’assemblage à Port-au-Prince sous la dictature de Jean-Claude Duvalier nous a légué la bidonvilisation de la capitale et l’affaiblissement de l’agriculture, donc le début de la dépendance alimentaire du pays. Si les promoteurs de ce projet nous font miroiter la création de 100 000 à 300 000 emplois dans cinq ans, la volatilité des avantages comparatifs (bas salaires et incitatifs fiscaux) n’est pas un gage de la perpétuation de ces emplois.
L’argument que les opposants à ma thèse peuvent soulever iront dans le sens de l’importance de la création d’emplois dans un pays où les emplois sont rares, on doit faire l’économie des considérations écologiques ou historiques. Qu’à cela je répliquera que les promoteurs sont prêts à en tenir compte dans la mesure où l’État haïtien investisse 54 millions de dollars. De plus, le gouvernement devrait prévoir des infrastructures proportionnelles à cette poussée démographique appréhendée. Dans un autre ordre d’idées, en quoi le parc industriel de Caracol s’articule-t-il avec le campus universitaire fraichement construit ? Où est la synergie entre ces deux entités dans le cadre d’une politique de développement intégrée ?
Tout compte fait, l’énoncé de politique générale de Laurent Lamothe confirme notre appréhension que ce dernier est beaucoup plus fort dans la propagande que dans sa capacité de penser le développement du pays. Dans plusieurs billets précédents, nous avons révélé le trait caractériel du nouveau Premier ministre dans sa propension à mentir juste pour la beauté du jeu ou pour ses intérêts particuliers en conjonction avec ceux de ces acolytes. Les slogans font partie de l’appareillage intellectuel de ce dernier comme sa fameuse politique de la diplomatie des affaires que nous avons démontré l’ineptie dans l’un de nos billets.
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