Le développement endogène est possible en Haïti

Les rendez-vous manqués avec l'histoire ont été nombreux, mais je tiens à partager avec vous l'un qui n'a été mentionné ou trop peu, soit celui de la première caisse populaire haïtienne à Montréal. À regarder les choses aujourd'hui, on peut comprendre les nombreux autres rendez-vous manqués avec l'histoire, en particulier en 1946 avec Dumarsais Estimé sur le paiement de la dette aux américains, sur lequel aucune étude sérieuse n'a été faite. Quand l'émotion prend le pas sur la raison, trop souvent d'ailleurs, le résultat d'une Haïti qui se meurt n'est pas un hasard. L'intellectuel, ou soi-disant tel, est un toutiste. Il se croit le droit de se prononcer sur tous les sujets sans avoir même de connaissances parcellaires.


Dans les années 80, une initiative de former une caisse populaire(fondée le 14 mars 1981, fermée 1982), appelée Fondation de la Caisse d’économie des Haïtiens de Montréal, a vu le jour. L'expérience n'a pas eu long feu parce que la politique a eu le dessus sur la finance. Une équipe autour de Carl Lévesque et Paul Déjean ont appelé au boycottage parce que Jean-Claude Duvalier y avait déposé un important montant et le directeur lui avait envoyé une lettre avec des vœux pour la nouvelle année. Tout de go, des intellos sont montés aux barricades pour dénoncer la caisse et ont demandé à la communauté de retirer leur argent de cette institution. Comme si aujourd'hui il y avait une telle institution à Montréal et, Martelly déciderait d'y déposer de l'argent, à cause de l'opposition à ce dernier, il faudrait demander aux membres de la communauté d'enlever leur argent. Les acteurs de l'époque, du haut de leur chaire, fustigeaient les responsables de cette institution. Ils n’ont pas pensé à la portée d’un tel levier économique. Ils n’avaient ni les connaissances ni la volonté. Ils étaient malades de leur culture. Que Duvalier ait voulu déposer son argent dans le but de créer la zizanie, un esprit moderne aurait compris qu’il y avait les moyens organisationnels et financiers, dans le pays d'accueil, qui peuvent faciliter des retombées extraordinaires pour la communauté, en terme de crédits à l’entreprenariat des Haïtiens d’ici, et sur ceux de l’intérieur, soit par les transferts ou autres répercussions, prendrait plutôt des mesures, dans ce cadre institutionnel, pour que cette instution ne soit utilisée à mauvais escient par les dirigeants, étant donné qu'elle faisait partie du vaste mouvement coopératif Desjardins du Québec.

Aujourd'hui, je me dis que la connerie n'était pas uniquement dans le camp des Duvalier mais aussi de l'opposition. Le résultat des intellectuels à Montréal en 40 ans, et partout, est nul. À Montréal surtout, connue pour avoir regroupé la masse critique de l'intelligentsia haïtienne. Si on fait exception du centre de Frantz Volontaire, qui est une initiative individuelle, qui ne survivra pas à son fondateur. La récolte est donc bien maigre. En Haïti, les seuls réalisations de nos intellos, est la Société haïtienne d'Histoire et de Géographie, qui fonctionne de peine et de misère parce que les gens qui dirigent cette institution manque d'imagination. Comme d'ailleurs la fédération haïtienne de football avec Yves Jean Bart; la gestion à la petite semaine est un trait caractériel.


La nécessité de mettre sur pied une vraie réforme de l'éducation est plus qu'une obligation, c'en est une urgence! Le système d'éducation prépare les cerveaux à la rhétorique et pas du tout à l'action. Charmeur, qu'il peut être, l'intellectuel haïtien à répéter les connaissances puisées dans les livres, mais incapable ou paresseux à produire du neuf. Et pourtant, l'Haïtien vit dans un espace, agrémenté par l'histoire (passé glorieux, métissage, etc.), un terroir fertile pour l'imaginaire, pour la créativité. La fierté haïtienne si elle était utilisée à bon escient pourrait soulever des montagnes. J'ai été pris de désolation pour moi-même et tous mes compatriotes parce que la majorité d'entre nous ne connait ni l'histoire ni le sens du Kita et du Nago. Nous ignorons notre culture, cependant nous sommes en mesure de parler de la culture des autres. Comment voulez-vous moderniser ce pays si vous ignorez ce que vous êtes? Nous avons encore trop d’ignorance à abattre avant qu’on puisse trouver une voie de sortie Haïti de sa décomposition. Nous ne nous entendons pas sur plusieurs aspects de notre histoire, entre autres choses la question de couleur, la construction de la citoyenneté , et j’en passe. Il est déconcertant de voir que les intellectuels de même tendance sont incapables de se mettre ensemble. L'histoire des partis politiques durant ces cinquantes dernières années nous fait frémir face à leur incapacité de s'organiser en de vraies organisations. Le morcellement infinitesimal de ces derniers est une tragi-comédie. Les divisions se produisent le plus souvent sur des conflits de personnalité qu'idéologique. Une histoire de l'éclatement des groupements politiques restent à écrire.

Ces temps-ci, des gens, avec des intérêts divers, se prononcent sur l’aide canadienne. Certains par ignorance, d’autres simplement par individualisme, parce qu’ils tirent de cette pitance internationale (plus ou moins 1% atterrit vraiment en Haïti), versent des larmes sur la coupure prochaine de l’aide canadienne. D’autres plus lucides, dont je fais partie, sans être radicaux ou jouant d’un nationaliste primaire, croient que le pays doit avoir sa propre politique économique de l’aide, à l’instar du Rwanda. Aussi, Haïti est capable de mobiliser des ressources financières, économiques et humaines aussi bien dans le pays qu’à l’extérieur du pays par l’apport de ses migrants vivant un peu partout dans le monde. Les transferts des Haïtiens de l’extérieur sont supérieurs à 2 milliards de dollars américains. La mise sur pied de bonds de la «diaspora» apporterait entre 5 milliards à 10 milliards de dollars. Ces deux apports seulement, avec leurs effets multiplicateurs, s’il y a un cadre macroéconomique intelligent apporterait des fonds considérables à l’État haïtien. D’autres mesures, tels une politique monétaire plus moderne s’ajouterait sur les recettes de l’état et le financement de la recherche dans quelques secteurs clés ou certains résultats sont palpables(il y en a). Les possibilités sont énormes. Le seul hic : il faut moderniser l’État, donc il faut que les haïtiens apprennent à faire les choses autrement. Et ce n’est pas illusoire. Le seul problème, nous sommes encore malade de notre culture.

L’individualisme primaire, contrairement à l’individualisme moderne, tel que défini par Adam Smith dans son livre majeur, n’est pas encore l’apanage de beaucoup d’entre nous. Voilà pourquoi la réforme de l’éducation et la politique de l’environnement sont les deux piliers sur lesquels devraient reposer tout programme politique. Ce sont deux secteurs par lesquels on peut s’attaquer à d’autres problèmes récurrents, tels l’agriculture, le tourisme, etc. La transversalité de ces secteurs piliers n’est plus à démontrer. Je reviendrai sur ces aspects dans un prochain billet, car il est important de vulgariser le fait que le pays est capable de s’en sortir en abattant l’ignorance crasse. La majorité de nos biens pensants connait les moyens à prendre pour impulser le changement, mais ils sont incapable de faire ce saut qualitatif parce que leur ego est disproportionné.


http://haiti-tribune.blogspot.com/2013/01/le-gel-de-l-canadienne-un-bien.html#.UTKmxFf9XgI
 http://haiti-tribune.com/2013/01/haiti-le-seisme-de-12-janvier-2010-un.html
Les transferts financiers de la diaspora et le financement du développement d'Haiti

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