Haïti, entre les dérives de Martelly et le chaos
La realpolitik dans toute sa splendeur
La conjoncture politique haïtienne actuelle est une vaste plaisanterie. L’attitude de certains partis politiques face à la visite de courtoise de Michel Martelly ne me déçoit pas mais plutôt me réconforte de ma compréhension de la société haïtienne. L’amateurisme qui traverse cette société dans toutes les sphères de la vie se répercutent dans toutes les activités humaines. Le résultat est notre descente abyssale aux enfers. Dans un moment où il y a une crise politique majeure, les visites du président aux partis politiques sont purement démagogiques et le complice aval de la Fusion des Sociaux Démocrates de Madame Bauzile et la KID de Evans Paul font montre l’incohérence et la duplicité de ces gens-là. La seule et unique position de Martelly, s’il était sincère, serait de proposer un agenda de discussion sur les pierres d’achoppement de cette impasse électorale et le blocage des institutions étatiques en perspective. Point! Au début de son mandat, n’avait-il pas fait son pèlerinage auprès des anciens présidents? Quelle est la suite de cette démarche après plus de deux ans de son quinquennat? Si la ruse fait partie de la politique, l’évidence de la comédie du chef de l’état ne peut que tromper des enfants de chœur! Quand des chefs politiques se laissent apparemment bernés, il faut croire plutôt qu’ils sont de mèche avec le premier citoyen de la nation. Peut-être que pour des miettes, car la misère fait rage au pays. Un Homme sans un sou n’est qu’un prostitué ambulant!Je n’ai pas été surpris par la réception de cette visite chez la Fusion. Dès le début de la présidence de Martelly, le vacillement de ce parti était clair. De surcroit, mené par Edmonde Supplice Bauzile, celle qui a inauguré dans le Plateau central une bibliothèque portant le nom de Madame Max Adolphe, une «fillette Lalo» de notoriété, ne laissait aucun doute de l’accointance macoute de cette femme. Le cheval de bataille comme réponse à l’avènement de Martelly au pouvoir est ce slogan vide de contenu: le pacte de gouvernabilité que proposait ce parti. C’est à se demander s’il confond leur rôle sur l’échiquier politique national. Autrement dit, est-ce la Fusion qui est au pouvoir? Si ce n’est pas le cas, il est automatiquement dans l’opposition. Comment peut-on proposer un pacte de gouvernabilité quand on n’a pas les leviers du pouvoir? N’est-ce pas que la conférence nationale que Turneb Delpé a proposé depuis plus de vingt ans ne restent qu’un vœu pieu? La politique étant un rapport de force, ne pèse autant dans la balance que celui qui a le pouvoir étatique entre les mains. Vérité de la Palice. Sachant que ce parti regorge de gens qui ne sont pas des novices en politique- Ce sont même de vieux routiers de la politique haïtienne; Victor Benoit et Serge Gilles, pour ne citer que ces deux-là, comptent un centenaire d'années d’expérience des soubassements des questions politiques; que la Fusion avalise l’idée de repousser les élections pour plus tard sans tirer de Martelly aucun engagement formel sur ce qu’adviendrait du parlement au-delà du deuxième lundi de janvier 2014 est une légèreté politique qui rend suspicieux l’attitude de ce parti pour tout observateur sérieux.
L'autoritarisme ambiant, un trait culturel très fort
L’atmosphère générale montre une chose claire : Martelly n’a et n’avait aucune volonté d’organiser des élections avant la date fatidique du deuxième lundi de janvier, car, depuis deux ans et demi, il n’a fait que tergiverser. L’entêtement de mettre sur pied le Conseil électoral permanent quand bien même il était trop évident que ce n’était pas possible, car le sénat amputé d’un tiers de ses membres était dans l’impossibilité de fournir ses trois représentants. Allant à l’encontre de tout principe juridique, donc des règles édictées par la constitution, il a formé un conseil de six membres, un acte anticonstitutionnel. Après tant de louvoiements, un accord politique a été trouvé sur la formation d’un Conseil Transitoire du Conseil Electoral Permanent(CTCEP), une formulation digne d’un drogué, car d’une absurdité qu’aucun être humain avec les deux pieds sur terre n’aurait pu imaginer, le 24 décembre 2012. Ensuite, la loi électorale qui a été envoyée`au président pour transmission au parlement dans les huit jours francs a passé plus de deux mois entre les mains de la présidence qui, pendant ce temps, sans aucune prescription constitutionnelle, l’a modifiée avant de l’acheminer au pouvoir législatif à la fin du mois d’aout.Dans cette même veine, les dérives de l’exécutif se multiplient : le juge Jean Serge Joseph a subi les insultes de Martelly et de Lamothe au bureau de Gary Lissade d’après le rapport du sénat suite à la clameur publique parce qu’il a voulu appliquer la loi dans toute sa rigueur; l’arrestation des deux frères Florestal, dont Enol a porté plainte contre Laurent Lamothe pour complicité dans le détournement de fonds par la femme et le fils de Michel Martelly; l’avocat, André Michel, est menacé d’arrestation et a contre lui une ordonnance d’interdiction de départ; la semaine dernière, Liliane Pierre Paul a été attaquée en justice sur des raisons infondées par l’homme de paille de Martelly, le juge d’instruction Lamarre Bélizaire, le persécuteur de André Michel; le sitting de l’opposition devant le ministère de la justice a été évacué de force par la police. Ce n’est que la pointe de l’iceberg en ce qui a trait aux multiples actes de bâillonner la liberté d’expression et d’organisation du gouvernement de Martelly-Lamothe.
L'intérêt national est secondaire
Dans cette saga politico-comédie, seuls le Mouvement Patriotique de l’Opposition Démocratique et l’Organistion (MOPOD) et l'Organisation du Peuple en Lutte (OPL) ont une idée claire sur le dénouement de la crise. Les sept préalables du MOPOD rejoignent la lettre ouverte de l’OPL à la suite du boycottage de la réunion du 14 aout au Karibe Convention Center. Sans agenda de discussion sur une base formelle, les visites de courtoisie du président n’est que pure démagogie. Tous ceux qui prennent au sérieux cette initiative ne fait que collaborer à la mise en place d’une dictature. Tout de go, ils deviennent des ennemis de la démocratie et de la lutte du peuple haïtien pour une vie meilleure. Après deux ans et demi de la présidence de Martelly, le bilan est clair : le gouvernement Martelly-Lamothe a remporté la palme dans les scandales, les carnavals, les raras hebdomadaires, le chaos et la propagande, dont l’expression à couleur locale aloral traduit bien la politique générale de ce pouvoir. Haïti est ainsi prise en otage par une bande de gangsters sous la protection de la communauté internationale.En revanche, devant tant d’impairs de ce pouvoir, la réponse de l’opposition patriotique dénote un manque de vision et de cohérence, car il ne faudrait pas laisser pourrir la situation politique jusqu’à ce que la marmite saute. Il faut mieux prévenir que guérir. Des propositions de sortie de la crise par la démission de Michel Martelly doit envoyer un message clair à la population sur la transition ordonnée de l’après Martelly. De toute façon, ce pouvoir avec à sa tête ce président ne peut pas être ramené à la raison. Pendant qu’il claironne que Haïti is open for business, il fomente des scandales, provoque des conflits incessants avec la Presse, les partis d’opposition, le parlement, etc. Il faudrait être dérangé mentalement pour vouloir une chose et la repousser en même temps. Quand un être humain a un tel comportement, on peut conclure sans hésiter qu’il n’est pas sain d’esprit. En conséquence, le renversement ou la démission est impératif! Du même coup, la planification de la transition sans heurt l’est encore davantage!
Ernst Jean Poitevien
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