L’enfer, c’est nous autres
La mentalité de chiens couchants des élites
La prison des jours de Michel Soukar, un roman à lire si tu veux comprendre pourquoi on est rendu là. La mentalité de chiens couchants, la lumpenisation(sans conscience patriotique) de nos élites n'ont inspiré aucun respect des Américains durant l'occupation. Waller, le colonel américain disait qu'il n'a jamais vu un pays produire autant de délateurs : «A Cuba, pendant longtemps, je n'ai pas pu recruter un espion. Aux Philippines, la seule fois qu'un homme s'est offert, c'était un agent des rebelles.» Ce constat, nous le faisons à chaque jour, au point quand on manifeste une rectitude inébranlable, des amis, de la famille vous disent : Ayiti se tè glise; chak koukou klere pou je yo. A la prise d’armes de Antoine Pierre-Paul contre l’occupant, Waller trouve ça légitime, quand il compare le nombre de flagorneurs de ce pays. Comme il le disait, ceux-ci se sont offert comme espion dès le premier jour de l’occupation : on les met dehors par la porte, ils rentrent par la fenêtre.Voici le verdict adressé à Antoine Pierre-Paul par Beaubrun et Fémilia, des gens très modestes, qui le cachaient : Tu es venu trop tôt au monde. Au temps de nos héros tu aurais été une valeur sure mais aujourd'hui quiconque te vendrait pour des pelures de patates. Aussi, ajoute Fémilia, que connais-tu de la misère, tu n'as jamais vécu la misère du peuple et tu ne les ressembles pas, toi, l'intellectuel de ville. Frantz Fanon a bien illustré ce problème dans Les Damnés de la terre : entre le pays de l’imaginaire des intellectuels et le pays réel, il y a tout un monde de différence. Pour cela, ils leur arrivent trop souvent de se buter face au pays réel. Jacques Roumain avait compris avec toute l’obstruction du surréalisme merveilleux et du bovarysme culturel cette nécessité par ces fameuses promenades (?) marxiennes dans la paysannerie pour se frotter au pays réel. En dehors de toutes conditions objectives(paysannerie parcellaire, absence de classe ouvrière), Il manifestait le désir du poète de concrétiser ses rêves. Général Soleil a fait à son dépens la dure expérience du pays réel.
Le mépris de l'occupant
Le traitement indigne de Waller de Sudre Dartiguenave avec tant de mépris nous fait penser aux traitements que subissent les dirigeants actuels. Ne vous méprenez pas ce sont les Américains qui dirigent Haïti avec pour hommes de paille, nos présidents poupée Twèl. Quelle respectabilité peut avoir une telle élite! Des gens sans personnalité qui se vendent pour une bouchée de pain pourquoi mériterait-elle du respect? En présence du blanc, ce sont des YES, Sir, des valets, des laquais...Sudre Dartiguenave savait que les Américains étaient dans l’embarras de choix : voilà pourquoi, suivant les propos de Michel Rolph-Trouillot dans Les racines historiques de l’État duvalérien, que Sudre Dartiguenave se consternait devant le buste de Dessalines au Palais National en louant l’abnégation de ce dernier face aux dérives blanches. Il a désigné ce comportement de «posture nationaliste et attitude dépendante». Cela dénote l’impuissance intellectuelle de nos élites qui sont incapables de connaissances procédurales. Face à un problème, ils implorent les dieux tutélaires de la nation au lieu de poser les jalons nécessaires à la résolution à terme de ce problème. Le fatalisme n’est que sentimental tandis que le déterminisme est scientifique.Je ne comprends pas comment je pourrais m'associer à ces gens qui n'ont pas de couille. Je comprends aujourd'hui pourquoi certains hommes se sont toujours mis à l'écart de la chose politique haïtienne. Je comprends aussi comment François Duvalier a pu établir la paix de cimetière pendant 29 ans. Avec autant de démagogues, de chiens couchants, de délateurs, de renégats l'avenir est sombre. Haïti continuera sa descente abyssale aux limbes. Waller a fait un constat qu'on vit chaque jour : ces opposants tapageurs qui n'ont pour unique but de se faire remarquer, avoir un forum, qui les mettraient en position d'avoir un poste de ministres, de Premier ministre, de membres l'administration publique ou de la diplomatie, voire président : comme disait le groupe musical Les Frères Parent Tout sa se chobiznis. C'est leur façon de sucer un zo dans le gouvernement. A contrario, un Jean Dominique, à son retour de l’exil, après la chute de la maison Duvalier, ne s’est pas laissé prendre face à l’accueil euphorique de la population : foli prezidan pat monte nan tèt li. Ces hommes d’une rectitude inébranlable existaient et existent dans le pays mais ils sont des perles rares. Ce n’est qu’au fil de la lutte pour la modernité du pays qu’on reconnait avec ses hoquets, ses trébuchements et ses hécatombes les vrais patriotes. La propension à la rhétorique patriotique ou nationaliste de nos compatriotes ne doit pas nous émouvoir, car c’est un art que nos élites-croupions maitrisent à la perfection; elles en font leur profession vitale.
La rectitude idéologique est inexistante
Récemment, j'ai vu ces opposants-croupion à Martelly se convertissent en de fidèles défenseurs de Sweet Micky. Cela ne me surprend plus! L’armée de réserve de cette satrapie d’élites a des racines profondes et nombreuses, on en finit pas de voir sortir de leur opposition superficielle en de fervents partisans du pouvoir tetkaliste. Cela dépendra, bien sûr, de l’attitude du Blanc, donc des Américains, face au pouvoir des bandits légaux. Si ceux-là appuyaient la visée dictatoriale de ceux-ci, on verrait la satrapie sortir comme des mouches à ver en apologistes de ce pouvoir. L’histoire en Haïti s’amuse à se répéter, sauf les acteurs changent à travers le temps. Comment cela ait pu être une telle fatalité si ce n’était pas l’orthodoxie de la pensée philosophique haïtienne? Les changements pédagogiques et didactiques en Haïti sont d’un retard incommensurable avec les avancées de la connaissance dans ce domaine; le renouvellement de la pensée historique, de la critique littéraire, de la pensée scientifique, et j’en passe, se concrétisent trop tardivement au reste du monde qu’elles deviennent cosmétiques. Georges Anglade eut à dire que la critique littéraire n’a pas évolué en Haïti durant les soixante dernières années; que le renouvellement des connaissances n’a pas bougé d’un iota.Le don de vider tout concept de sa substance
La crise perpétuelle haïtienne m’a poussé à sortir des chantiers battus. Le faible niveau d’analyse de notre meute de pseudos penseurs est à l’image de la crise elle-même. Le problème de notre enlisement dans la fiente est le reflet du blocage de notre intellect. Nous galvaudons les meilleures idées, propositions ou initiatives. Par exemple, le concept du dixième département formulé par Georges Anglade, au lendemain de la chute des Duvalier, est devenu une vaste plaisanterie aux mains de démagogues : l’intention de Georges Anglade était d’arrimée le pays du dehors au pays du dedans afin de créer cette symbiose pour le développement d'Haïti. Après plus de vingt-cinq ou se trouve cet arrimage? Nulle part. Le ministère créé à cet effet n’est qu’un éléphant blanc. Les droits politiques des Haïtiens vivant à l’extérieur sont bafoués; les transferts de ces derniers n’en profitent qu’à l’économie dominicaine. En conséquence, on n’en aura pas tort d’affirmer que l’esprit des élites est complètement obstrué.La dernière perle d’absurdité qui m’a amusé cette semaine c’est la déclaration de Hérold Toussaint qui a fait une découverte révolutionnaire : la reconstruction d’Haïti doit passer par la formation d’une sélection nationale de football de haut niveau. Qui serait contre la vertu? Mais l’irrationalité de la proposition est tellement évidente qu’on dirait qu’elle a été énoncée par un adolescent. Dans ses songes de la veille, Hérold Toussaint, du Collectif des universitaires citoyens (CUC), a découvert dans ses recherches oniriques la pierre philosophale de tous les maux haïtiens. La pensée procédurale est totalement absente dans cette proposition : Combien couterait une telle entreprise? Avons-nous les ressources nécessaires pour une telle entreprise? Quelles seront les retombées médiates et immédiates? Cette liste de questions est loin d’être exhaustive mais elle offre une esquisse d’une méthode de recherche sérieuse. L’absence de débats intellectuels dans le pays est loisible à la prolifération d’idées farfelues.
Comment s'en sortir?
Comment sortir donc de l’énigme haïtienne bicentenaire? Quels sont les blocages culturels, intellectuels de cette énigme? La clé, à mon humble avis, se retrouve dans la réforme du système éducatif. La modernisation tiendra compte des trois aspects fondamentaux : le savoir-être, le savoir-faire et le savoir. Dans le premier cas entre toutes les questions autour de la citoyenneté, car l’école est le lieu par excellence de la socialisation, le microcosme de la pratique du vivre ensemble, de la recherche individuelle et collective du bonheur; dans le second la préparation de l’esprit à donner des réponses pratiques aux problèmes de l’heure, car l’école a aussi pour but d’habituer l'intellect à réagir aux conditions réelles; enfin, la transmission des connaissances proprement dites, car l’intellect a besoin de se nourrir des idées anciennes et de les perfectionner en faisant du neuf. Tout cela ne sera pas viable sans les conditions objectives, telles les conditions matérielles d’existence, le compromis national autour d’un projet structurel. La nécessité des débats ne doit pas être éludé pour satisfaire notre égo surdimensionné…Ernst Jean Poitevien
https://haiti-tribune.blogspot.com/2013/02/problematique-haitienne-entraves-la.html
https://haiti-tribune.blogspot.com/2014/05/haiti-des-elites-malades-de-leur-culture.html
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