Grammaire de la pensée philosophique haïtienne(2 de 5)
Dans
la recherche des causes de notre retard et pour mettre au point cette
grammaire de la pensée haïtienne, nous sommes tombés sur un article
de Matts Lundahl où Jean Jacques Honorat, agronome et économiste,
affirme que le développement du pays doit passer par le mysticisme. La pensée magico-religieuse à son summum de la bêtise cognitive.
N'allez
pas croire que la déroute de l'intelligence vient du fait de
l'analphabétisme de la majorité du peuple. Ce sont des lettrés qui
se sont toujours coalisés contre l'intelligence. Autour de Sweet
Micky, aux dernières élections, il y avait un nombre important de
lettrés. Daniel Supplice en est l'expression par excellence de cette
pesanteur dans l'histoire nationale. En dépit de
l'échec de cette démarche, nos élites continuent à user le même
pattern. Elles se sont fait prendre dans leur propre jeu : Nord
Alexis, Duvalier et Sweet Micky ne se sont pas laissés mener par ces
faiseurs de roi. Il faut croire que l'intellect de nos élites soit
bloqué, signe d'une imagination limitée. En plus, elles sont
mythomanes et orgueilleuses . Elles se croient imbues de tout et
bâclent la trajectoire du pays.
Demesvar Delorme, intellectuel haitien du 19e siècle, est un cas d'espèce. Suffisant on ne peut plus; narcissique à souhait s'est laissé embobiner par le Cardinal Rampolla, Secrétaire du Saint Siège, donc le Vatican, lors des différends sur l'interprétation de l'article 4 du traité de 1856 concernant la délimitation des frontières entre la République d'Haiti et la République Dominicaine en 1896. Au lieu de limiter la négociation sur l'expression les «possessions actuelles» que le gouvernement lui avait imposé comme terme de la négociation auprès du médiateur qu'était le Vatican, il a accepté de rouvrir le débat sur le traité qui a été déjà signé par les deux parties. Chose importante à noter : il n'était pas pas le négociateur principal, ce rôle échet à Dalbémar Jean Joseph, qui n'a pas pu être là à temps à la rencontre. Vu l'absence de ce dernier, Delorme s'est érigé en négociateur principal. Comme l'a fait remarquer Price Mars dans sa biographie d'Anténor Firmin (pp 96-107):
Nous avons voulu démontrer comment ce système d'éducation a façonné l'être haïtien jusqu'à l'absurdité. La grandiloquence, la suffisance, le narcissisme dans toutes ses laideurs. Aussi, lancer une pointe à tous ceux qui mettent sur le dos d'autrui les causes de nos malheurs. Dans ce même ordre d'idées, il faut commencer par comprendre qu'il existe une différence notable entre connaissance et compétence. Celle-ci constitue l'ensemble des habiletés, dont le savoir, le savoir-faire et le savoir-être, qu'un individu peut se munir et prémunir. En d'autres termes, c'est la faculté d'agir en usant de ses moyens pour aboutir à un résultat tangible. Par exemple, l'art de la négociation fait appel à ses trois facultés, tandis que la connaissance littéraire, par exemple, ne fait appel qu'au savoir. Dans le premier, c'est de la compétence, dans le second, c'est de la connaissance pure. Évidemment, si les deux se marient, c'est tant mieux. Combien de fois, par exemple sur le terrain politique, des intellectuels se sont fait lessiver par un adversaire d'un savoir assez pauvre. Max Weber a noté, dans Le savant et le politique (pp. 52-56), qu'à l'université les professeurs, jusqu'au tournant du 19e et 20e siècle, seuls aux Etats-Unis, n'avaient un émolument. Ailleurs, c'était au nombre d'étudiants qu'ils pouvaient attirer dans leurs cours. Donc, plus ils étaient un grand orateur, plus ils avaient la chance de garder son poste dans l'institution. Dans l'autre sens, ils n'étaient pas compétents, sans pour autant être nuls. Somme toute, la compétence tend à changer suivant les priorités de la société. Comme le note avec justesse Weber : «L'on peut être un savant tout à fait éminent et en même temps un professeur terriblement médiocre.»
Par le fait de notre angle d'appréciation de la réalité, nous n'avions pas cessé de passer à côté des vrais problèmes. Nous posons généralement mal les problèmes qui nous accablent. Nous nous laissons trop souvent muer par l'émotion, les sentiments que de faire preuve d'esprit scientifique. Et cela autant chez les lettrés que les illettrés. Nous sommes carrément allergiques à la pensée scientifique. Au cours de mes explorations dans le champs de l'histoire haïtienne, je comprends ce verdict sur la perception de Dessalines ne sachant pas lire. Du même coup, on le cataloguait. Je vous servirais la compréhension de Deborah Jenson, pour faire court, parce que c'est une réponse on ne peut plus sensée. D'après l'auteure de Beyond The Slave Narrative: Politics, Sex, And Manuscripts in The Haitaian Revolution((pp. 81-98), Boisrond Tonnerre n'est pas l'auteur de l'Acte de l'indépendance. Dessalines en est l'authentique auteur. Nous avons avalé la perception de Thomas Madiou sans broncher. Elle argumente que les secrétaires de Dessalines, dont Juste chanlatte, B. Aimé et Boisrond Tonnerre, ont été dictés en créole la teneur de la proclamation de l'indépendance. Elle ajoute que la différence entre les écrits propres de ces secrétaires détonnaient grandement avec les proclamations en général de Dessalines. D'ailleurs, à part Madiou qui a attribué le texte à Boisrond Tonnerre aucun autre auteur ne l'a fait. Pas même l'intéressé lui-même. Et l'auteur rajoute qu'en Europe aussi, ce sont les secrétaires qui mettaient sur papier les réflexions des hommes d'État et il n'y avait aucun problème à attribuer à ces derniers la paternité. C'est la conception de l'intelligentsia haïtienne donc qui est biaisée
Ernst Jean Poitevien
He(Honorat) argues that Third World man must strip the Western world of experimental analysis to 'retablish the fertile unity of knowledge and the indispensable union of man with the universal being. He claims furthermore that recent developments in Western science appear to be leading to a total revision of thinking.The exemeples he quotes are frightening : the alleged psycho-kinetic faculties to move objects by mental exercices only, or to provoque chemical reaction by means of cerebral waves, psycho-galvanic measurements of the spiritual life of vegetal à la scientologis Ron Hubbard and parapsychology in general. Honorat goes on to allege that this type of thinking,which is supposedly related to the Third World mysticis, would be of relevance when it comes to solving the problems that beset Haiti. Poor Hait! The argument cannot be saved by reference to any egalitarian plurialism or the alleged ethnocentrism of Western technology. It's simply rubbish, unless its a bad joke. (Journal of Latin American Studies, vol. 14, no.2, Nov., 1982, pp. 474-475)
(Il soutient que l'homme du Tiers Monde doit balayer la conception occidentale de l'analyse expérimentale et de réconcilier l'homme avec la nature. En outre, il prétend que les récents développements scientifiques semblent amener à une révision de la pensée. Ses exemples sont effrayants : l'affirmation des facultés psycho-cinétiques de soulever des objets par le mental seulement, ou de provoquer des réactions par les ondes cérébrales, mesurer la vie spirituelle des végétaux à la Ron Hubbard de l'église de scientologie et par la psychologie en général. Honorat ajoute que ce type de pensée apparemment spécifique au tiers monde serait d'importance quand il viendra le temps de résoudre les problèmes qui assaillent Haïti. Pauvre Haïti! L'argument ne peut être considéré comme une pensée alternative valable face à l'ethnocentrisme de la technologie occidentale. C'est tout simplement absurde, à moins que ce ne soit une blague.) (NDR, traduction libre)
Imaginons-nous
que la fine pointe de la pensée scientifique haïtienne de l'époque
énonçait de telles fadaises, alors qu'en dirions-nous de l'homme de la
rue? Honorat est la traduction de cette pensée haïtienne totalement
ascientifique, donc mystique ou prélogique. On peut comprendre que
tout scientifique dans un tel milieu serait carrément malheureux et
improductif. Il n'est donc pas surprenant que la déroute de
l'intelligence soit une constante dans l'histoire d’Haïti. On a
préféré :
Nord Alexis à Anténor Firmin, Sudre Dartiguenave à Rosalvo Bobo,
Duvalier à Louis Dejoie, Michel Martelly à Mirlande Manigat, etc.
Demesvar Delorme, intellectuel haitien du 19e siècle, est un cas d'espèce. Suffisant on ne peut plus; narcissique à souhait s'est laissé embobiner par le Cardinal Rampolla, Secrétaire du Saint Siège, donc le Vatican, lors des différends sur l'interprétation de l'article 4 du traité de 1856 concernant la délimitation des frontières entre la République d'Haiti et la République Dominicaine en 1896. Au lieu de limiter la négociation sur l'expression les «possessions actuelles» que le gouvernement lui avait imposé comme terme de la négociation auprès du médiateur qu'était le Vatican, il a accepté de rouvrir le débat sur le traité qui a été déjà signé par les deux parties. Chose importante à noter : il n'était pas pas le négociateur principal, ce rôle échet à Dalbémar Jean Joseph, qui n'a pas pu être là à temps à la rencontre. Vu l'absence de ce dernier, Delorme s'est érigé en négociateur principal. Comme l'a fait remarquer Price Mars dans sa biographie d'Anténor Firmin (pp 96-107):
Son initiative inconsidérée nous fit perdre la solide position que nous occupions dans la controverse sur la question des frontières haitiano-dominicaines, question qui ne fut définitivement réglée que longtemps plus tard et à notre détriment.
Que de
reconnaître ses erreurs, il a préféré se dédouaner en disant «
que nous étions trompés d'adresses en sollicitant l'Arbitrage du
S.S. Léon XIII sur l'interprétation des termes possessions
actuelles.
En l'espèce, un tel rôle échet mieux à l'Académie française...»
Sacré Delorme!
Nous avons voulu démontrer comment ce système d'éducation a façonné l'être haïtien jusqu'à l'absurdité. La grandiloquence, la suffisance, le narcissisme dans toutes ses laideurs. Aussi, lancer une pointe à tous ceux qui mettent sur le dos d'autrui les causes de nos malheurs. Dans ce même ordre d'idées, il faut commencer par comprendre qu'il existe une différence notable entre connaissance et compétence. Celle-ci constitue l'ensemble des habiletés, dont le savoir, le savoir-faire et le savoir-être, qu'un individu peut se munir et prémunir. En d'autres termes, c'est la faculté d'agir en usant de ses moyens pour aboutir à un résultat tangible. Par exemple, l'art de la négociation fait appel à ses trois facultés, tandis que la connaissance littéraire, par exemple, ne fait appel qu'au savoir. Dans le premier, c'est de la compétence, dans le second, c'est de la connaissance pure. Évidemment, si les deux se marient, c'est tant mieux. Combien de fois, par exemple sur le terrain politique, des intellectuels se sont fait lessiver par un adversaire d'un savoir assez pauvre. Max Weber a noté, dans Le savant et le politique (pp. 52-56), qu'à l'université les professeurs, jusqu'au tournant du 19e et 20e siècle, seuls aux Etats-Unis, n'avaient un émolument. Ailleurs, c'était au nombre d'étudiants qu'ils pouvaient attirer dans leurs cours. Donc, plus ils étaient un grand orateur, plus ils avaient la chance de garder son poste dans l'institution. Dans l'autre sens, ils n'étaient pas compétents, sans pour autant être nuls. Somme toute, la compétence tend à changer suivant les priorités de la société. Comme le note avec justesse Weber : «L'on peut être un savant tout à fait éminent et en même temps un professeur terriblement médiocre.»
Par le fait de notre angle d'appréciation de la réalité, nous n'avions pas cessé de passer à côté des vrais problèmes. Nous posons généralement mal les problèmes qui nous accablent. Nous nous laissons trop souvent muer par l'émotion, les sentiments que de faire preuve d'esprit scientifique. Et cela autant chez les lettrés que les illettrés. Nous sommes carrément allergiques à la pensée scientifique. Au cours de mes explorations dans le champs de l'histoire haïtienne, je comprends ce verdict sur la perception de Dessalines ne sachant pas lire. Du même coup, on le cataloguait. Je vous servirais la compréhension de Deborah Jenson, pour faire court, parce que c'est une réponse on ne peut plus sensée. D'après l'auteure de Beyond The Slave Narrative: Politics, Sex, And Manuscripts in The Haitaian Revolution((pp. 81-98), Boisrond Tonnerre n'est pas l'auteur de l'Acte de l'indépendance. Dessalines en est l'authentique auteur. Nous avons avalé la perception de Thomas Madiou sans broncher. Elle argumente que les secrétaires de Dessalines, dont Juste chanlatte, B. Aimé et Boisrond Tonnerre, ont été dictés en créole la teneur de la proclamation de l'indépendance. Elle ajoute que la différence entre les écrits propres de ces secrétaires détonnaient grandement avec les proclamations en général de Dessalines. D'ailleurs, à part Madiou qui a attribué le texte à Boisrond Tonnerre aucun autre auteur ne l'a fait. Pas même l'intéressé lui-même. Et l'auteur rajoute qu'en Europe aussi, ce sont les secrétaires qui mettaient sur papier les réflexions des hommes d'État et il n'y avait aucun problème à attribuer à ces derniers la paternité. C'est la conception de l'intelligentsia haïtienne donc qui est biaisée
Ernst Jean Poitevien
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